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Le Capitaine Ibrahim Traoré au sommet de l’AES : “Nous avons décidé de nous révolter et de prendre le destin de nos États en main”

Les Présidents de l’Alliance des États du Sahel (AES) ont tenu, le 6 juillet dernier, leur premier sommet à Niamey, au Niger. À cette occasion, le Chef de l’Etat burkinabè, le Capitaine Ibrahim Traoré, est revenu sur les circonstances de la création de l’organisation, officialisée le 16 septembre 2023 par la signature de la Charte du Liptako-Gourma. Il a également fustigé ceux qu’ils appellent “les impérialistes et leurs valets locaux” qui, selon lui, sont à l’origine des maux qui minent les pays du Sahel. Notamment le terrorisme et l’insuffisance de services sociaux de base. Nous vous proposons l’intégralité du discours prononcé par le Capitaine Traoré à ce sommet. 

“C’est un immense plaisir et un honneur pour nous, de nous retrouver à Niamey aujourd’hui 6 juillet 2024, un jour béni, une date mémorable. Avant tout propos, nous rendons grâce à Dieu qui a permis l’avènement de ce jour. Nous le remercions pour tout ce qu’il a fait pour nous jusqu’à ce jour, et pour tout ce qu’il fera pour les peuples de l’AES.

Permettez-moi également de rendre hommage au peuple nigérien, ce peuple qui a tant souffert depuis l’avènement du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), à cause des sanctions de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) mais qui continue de rester debout.

Merci aux Nigériens qui nous ont réservé un accueil chaleureux hier (Ndlr : 05/07/2024), lorsque nous avons foulé le sol de notre patrie, le Niger. Vous êtes plus que des amis, vous êtes plus que des voisins, vous êtes nos frères, vous êtes nos sœurs. Parce que la fraternité va au-delà de l’amitié ou du voisinage. Nous avons le même sang qui coule dans nos veines.

Dans nos veines coule le sang de ces vaillants guerriers qui ont combattu et qui nous ont légué ces terres que nous appelons le Mali, le Burkina et le Niger. Dans nos veines coule le sang de ces vaillants guerriers qui ont aidé le monde entier à se débarrasser du nazisme et de bien d’autres fléaux.

Dans nos veines coule le sang de ces vaillants guerriers qui ont été déportés d’Afrique vers l’Europe, l’Amérique, l’Asie ou ailleurs, et qui ont contribué à bâtir ces États pendant l’esclavage. Dans nos veines coule le sang d’hommes dignes, d’hommes robustes, d’hommes forts. Et pour cela, soyons fiers d’être des ressortissants de l’espace AES.

L’Afrique est ce continent qui a tant souffert, et qui continue de souffrir, du fait des impérialistes. Ces impérialistes n’ont qu’un seul cliché en tête: “l’Afrique est le continent des esclaves” ; c’est ainsi qu’ils voient l’Afrique. Ils n’ont jamais pu changer de logiciel jusqu’à aujourd’hui et c’est déplorable.

Mais comment procèdent-ils ? C’est malheureusement depuis les années 60, lorsque ces simulacres d’indépendances ont été donnés à l’Afrique. Ils n’ont juste fait que placer des valets locaux à la tête, selon eux, de leurs sous-préfectures, pour pouvoir continuer à les alimenter.

Ces valets locaux, que nous allons qualifier aujourd’hui d’ “esclaves de salon”, n’ont d’autre repère que de chercher à vivre comme le maître, à satisfaire le maître. Et à faire tout ce que le maître leur dicte. Ils volent, pillent nos États et apportent tout chez le maître. Leur richesse est conservée chez le maître. Ils font tout pour vivre comme le maître et toujours le satisfaire. Lorsque le maître commande, ils exécutent. Ce sont des individus qui n’ont aucune dignité, qui n’ont aucune morale, qui n’ont aucune personnalité. Mais le maître des esclaves a toujours su identifier ces individus.

Ils sont toujours prêts à trahir leurs frères pour satisfaire le maître. Ils nous ont trahis depuis l’indépendance, et d’autres continuent jusqu’à aujourd’hui de nous trahir au profit de leur maître. Ces individus continuent toujours, contre vents et marées, à aider le maître à piller l’Afrique.

Ils se plaisent à dire chaque année, dans leurs sondages économiques, que le Burkina est un pays pauvre, que le Mali est un pays pauvre, que le Niger est un pays pauvre. Nous sommes classés parmi les derniers. Si nous sommes aussi pauvres comme ils le disent, pourquoi ils ne veulent pas partir lorsque le moment est venu pour nous de prendre nos responsabilités et de demander à ce maître de quitter les lieux ?

Lorsque nous prenons le cas du Niger, depuis plus de 40 ans, certains pays exploitent l’uranium pour produire de l’énergie chez eux. D’Ottawa à Paris, les rues sont illuminées ; mais au Niger, c’est l’obscurité qui nous est servie.

Lorsque vous partez dans nos Etats, nos sols sont troués de toutes parts pour rechercher des métaux précieux comme l’or. Mais souvent, il n’y a pas la moindre route pour accéder aux zones où ils exploitent l’or, encore moins certains services sociaux de base. C’est pourquoi nous avons décidé de nous révolter et de prendre le destin de nos Etats en main.

Nous avons bien d’autres exemples.

Lorsque nous avons pris nos responsabilités, nous avons été approchés par certains esclaves de salon pour nous transmettre le message de leur maître. Parce qu’ils avaient créé cette sorte de chaîne polymère qui se relève à la tête de nos Etats pour les servir. Nous sommes venus briser la chaîne, et c’est inconcevable pour eux. Ils nous ont approchés et nous ont demandé de rentrer dans les rangs pour faire partie de l’élite qui doit diriger l’Afrique. Cela parce qu’ils ont une élite formée et formatée pour suivre leur logique, qui est incrustée dans leur chaîne.

Nous avons refusé de rejoindre leurs rangs. Et dès lors, les hostilités ont commencé. Ils ont envoyé dans nos zones plusieurs mercenaires, des formateurs, des agents dans le Sahel pour mener des attaques barbares et lâches contre nos populations, dans l’espoir de les révolter.

A ces attaques sur le terrain s’ajoutent la guerre de communication, la manipulation, la désinformation. Mais les peuples du Sahel ont compris et ils ne pourront plus jamais les manipuler. Ils savent d’où ils viennent, ce qu’ils font et où ils vont.

Nous ne permettrons plus cela ; les peuples sont éveillés. Et nous nous battons aujourd’hui, non pas pour nous-mêmes, mais pour les générations futures. Merci à tous pour le combat mené. Cela ne nous fait jamais pleurer. Nous ne tremblerons pas. Nous allons affronter ; nous nous battrons pour une véritable indépendance, pour notre liberté. Pour effrayer les populations de l’AES, ces individus n’ont que trois termes à la bouche : démocratie, liberté, droits humains. Bien entendu, leurs valets locaux ne sont élus que dans le cadre d’un processus démocratique, libre et transparent, selon eux et leurs valeurs.

Quoi de plus normal pour eux. Mais qu’on veuille nous imposer cela, parce que ce sont eux qui édictent les règles, nous ne l’accepterons pas.

Nous avons décidé de nous assumer. C’est pourquoi un 26 juillet 2023, alors que le Niger décidait de tourner la page, les esclaves de salon et leurs maîtres sont montés sur leurs grands chevaux. Ils ont mis en avant leurs valets locaux et ont décidé de mener une guerre contre le peuple nigérien. Nous avons donc dit que quiconque oserait s’en prendre au Niger nous aura en face, parce que nous mènerons une guerre sans pitié jusqu’à la dernière goutte de sang pour quiconque oserait s’attaquer à nos États.

Cette décision que nous avons prise hier, est d’actualité aujourd’hui et le sera demain et pour toujours. Ainsi naquit l’AES le 16 septembre 2023, dans une architecture de défense mutuelle. Mais nous avons estimé qu’il était nécessaire de prolonger et d’agrandir l’architecture de l’AES.

Ce qui nous rassemble aujourd’hui doit nous permettre d’aller sur d’autres secteurs en plus de la défense. Notamment les finances et l’économie, les infrastructures, la santé, l’éducation, etc.

Je souhaite que ces moments soient pour nous une histoire que nous allons écrire non seulement pour l’AES. Mais aussi pour l’Afrique et pour le monde entier.

Que Dieu illumine chacun de nous. Que Dieu nous inspire dans cette mission qui nous est confiée. Et surtout, lorsque nous accomplissons toutes nos tâches, que nous n’ayons qu’une seule chose en tête : l’intérêt supérieur de nos populations.

Sur ce, nous prions encore une fois, Dieu, qu’il nous accompagne dans nos différentes tâches, qu’il protège nos combattants grâce à qui nous pouvons nous asseoir ici et échanger sur l’avenir de nos Etats. Encore merci au peuple nigérien.

Soyez unis et solidaires, peuples de l’AES ! La patrie ou la mort, nous vaincrons !”

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