Le 26 janvier 2023, l’ONG « International Crisis Group » a publié son dernier rapport sur l’Afrique, appelé rapport 310, traitant du terrorisme. Il est axé sur le parc W, réserve forestière et transfrontalière, partagée entre le Burkina Faso, le Bénin et le Niger. Le rapport 310 alerte sur la porosité du parc, tanière de certains groupes armés qui attaquent le Burkina.
De ce rapport, il ressort que Le parc W est la plus grande réserve forestière en Afrique de l’Ouest. Il a une superficie de dix mille trois cents (10 300) km² et est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en tant que réserve de biosphère transfrontalière depuis 1996. Il est géré simultanément par les trois pays dans lesquels il fait frontière qui sont le Burkina Faso, le Bénin et le Niger. Le Burkina Faso couvre 23% de la superficie totale du parc, soit 235 543 hectares. C’est un important lieu de refuge de plusieurs espèces animales et végétales menacées de disparition. Il fait également office de site touristique et est pourvoyeur d’emplois pour les populations locales vivant dans les périphéries du parc.
Au Burkina Faso, il se trouve dans le Sud-est. Le rapport de l’ONG Crisis Group révèle que la lutte contre les actes terroristes posés dans la zone du parc W est difficile, car cela provoquerait d’énormes conséquences tant au niveau environnemental, économique que social.
Selon le rapport 310 de l’ONG, l’objectif de l’occupation de cette zone stratégique est entre autre de poser des actes en toute impunité, de permettre la libre circulation des armes et autres produits frauduleux, et faire prospérer leurs activités illicites telles que l’élevage du bétail volé aux populations. Mais la principale raison est que l’occupation du parc W va permettre l’expansion du terrorisme dans les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest.
Les difficultés que présente la lutte anti-terroriste dans le parc W
Selon ce rapport, les populations locales, pour échapper aux réglementations désavantageuses régissant la gestion du parc, préfèrent collaborer avec les « nouveaux maitres des lieux ». Cette loyauté envers les terroristes est récompensée par un libre accès des lieux aux populations qui y pratiquent le braconnage, l’élevage et l’agriculture. Ces groupes armés terroristes utilisent les populations comme bouclier sachant que les Forces de Défense et de Sécurité ne lanceraient pas d’assaut de crainte d’enregistrer de grosses pertes en vies humaines du côté des civils. Cependant, l’exploitation des forêts y est interdite. L’on pourrait croire en leur bonne foi en matière d’écologie, mais bien évidemment, c’est une stratégie pour éviter que les populations ne détruisent ce qui leur sert d’abri face à l’armée burkinabè.
Il convient de souligner également que l’armée manque d’expérience en ce qui concerne les combats dans les zones à forêt dense avec une faune très importante. En plus de cela, les Forces de défense et de Sécurité ne disposent pas d’assez d’effectif pour quadriller la zone et mettre fin aux activités de ces groupes armés. Ce sont essentiellement la Katiba Ansarul Islam et la Katiba Serma, deux groupes armés terroristes qui occupent le parc W depuis 2018.
Ils occupent la majeure partie de la réserve et y imposent leur dictature : la sharia et la zakat notamment. Ils entrent en possession d’un énorme troupeau de bétail acquis par le biais de l’aumône islamique qu’est la Zakat. Ils prélèvent également des taxes sur les gains des artisans exploiteurs d’or dans la zone. Hormis ces activités, ils tirent profit du manque d’infrastructures routières dans la zone pour faire passer des vivres, des armes, des motos, du carburant et d’autres produits de contrebandes.
Les refuges de ces groupes armés terroristes sont très souvent indétectables par les avions militaires et les drones. Selon Crisis Group, cela est dû à la densité de la forêt qui rend difficile les recherches par vue aérienne.
Le Parc W fait partie des zones d’intérêts militaires décrétés par le gouvernement de Paul Henri Sandaogo Damiba le 20 juin 2022. On y a interdit toute présence humaine afin de mener à bien les opérations militaires en cours à l’époque. Ces opérations n’auront pas le temps d’être mis en place, car Paul Henri Damiba est renversé par Ibrahim Traoré le 30 septembre 2022 par un coup d’Etat.
Les enjeux environnementaux, économiques et sociaux de la lutte anti-terroriste du Parc W
Le rapport de Crisis Group expose l’état de dégradation de la faune et de la flore dans la réserve naturelle depuis l’installation des terroristes dans la zone. Une enquête aérienne menée en 2021 a révélé que l’effectif total des éléphants dans le parc avait considérablement baissé. En effet, de 8 938, on n’en dénombre plus que 4 056 éléphants qui y sont par manque d’habitats naturels, conséquence du braconnage dans la zone. A côté de cela, il y a la flore qui est de plus en plus menacée. Les produits utilisés dans l’exploitation artisanale de l’or sont très toxiques pour les plantes et également pour les animaux. Les ressources hydrauliques deviennent impures, aggravant la pollution du milieu. L’élevage et l’agriculture qui étaient autrefois interdits dans la réserve sont aujourd’hui pratiqués à grande échelle, favorisant ainsi la sécheresse dans ce qui était autrefois l’une des rares réserves forestières que possède le Burkina.
Si rien n’est fait, les efforts de préservation de cette réserve naturelle seront bientôt réduits à néants. Etant donné que les gardes forestiers manquent d’effectif et de formation pour faire face à ces individus. Plusieurs d’entre eux ont dû abandonner leurs postes pour sauver leurs vies.
D’un autre côté, une offensive de la part de l’armée pourrait causer d’énormes pertes en vies humaines parmi les populations locales compte tenu du fait que les FDS n’arrivent pas à différencier les populations des groupes armés terroristes. « Le problème auquel nous sommes confrontés dans le parc est que nous ne pouvons pas faire la distinction entre un berger et un terroriste (…). Vous pouvez tuer quelqu’un que vous pensez être un terroriste, mais qui s’avère être un berger. Et vous pouvez épargner quelqu’un que vous croyez être un berger qui vous tire dessus », a confié un soldat de l’Est du Burkina à Crisis Group. Cela peut s’expliquer par l’oppression que subissent les populations pour survivre. En effet, ces groupes armés interfèrent dans la vie sociale des habitants dans les périphéries. Ils marient de force les jeunes filles sans le consentement des parents, interdisent les rassemblements dans les lieux de culte autres que l’Islam et obligent les jeunes femmes à se voiler.
Ou encore, cette difficulté de distinction peut être due au fait que les populations collaborent volontairement avec ces individus en échange de la libre exploitation de la réserve. Et dans ce cas, les bergers sont les plus avantagés. Cet assaut engendrerait également d’énormes dégâts environnementaux tels que la destruction totale de la plus grande réserve naturelle de l’Afrique de l’Ouest. Tout cela se passe essentiellement dans le Liptako-Gourma où l’on peut encore parler de djihadisme.
Dans tous les cas, le Parc W payera le prix fort. Mais pour parler de sauvegarde environnemental, il faut déjà qu’il y ait des êtres humains pour s’en occuper. N’en déplaise aux écologistes et défenseurs de l’environnement, même si ce dernier est intrinsèquement lié à la survie de l’homme, il faudrait choisir le moindre mal entre ces deux maux.
Néanmoins, des solutions ont été proposées par Crisis Group pour minimiser les dégâts tant au niveau environnemental qu’humanitaire. Cette organisation pense que les coopérations trilatérales devraient être axées sur trois grands points : d’abord, sécuriser le parc par une action militaire renforcée. Ce qui va nécessiter la mobilisation d’équipements de guerre et d’effectifs supplémentaires. Ensuite, il faudrait améliorer les efforts de conservation de la faune et de la flore. Et enfin, travailler à résoudre les conflits liés aux ressources entre agriculteurs, éleveurs et braconniers.
L’occupation du parc W par les groupes armés terroristes est une stratégie visant à désemparer les systèmes de défense et de sécurité des trois pays qui occupent le parc. Mais également d’étendre leur emprise sur les côtes ouest de l’Afrique. Pour venir à bout de ces individus, les armées doivent redoubler d’efforts pour cultiver la confiance entre les populations et elles, car la racine du problème de l’expansion du terrorisme se trouve dans le manque de confiance et de collaboration entre les populations et les FDS. Plus efficace sera cette collaboration, plus la lutte contre le terrorisme portera des fruits.