C’est officiel ! Le chef de l’État, le Capitaine Ibrahim Traoré, a signé, le 9 décembre 2022, un décret portant rémunération du Président du Faso, du Premier ministre, des présidents d’institutions et des membres du gouvernement. Ce nouveau document jette définitivement « à la poubelle » deux décrets à polémiques, signés en avril 2022, par le président Damiba. Le Capitaine Traoré, qui a décidé, le 16 novembre dernier, de renoncer aux émoluments liés à sa fonction de chef de l’État et de conserver son salaire de Capitaine des Forces armées nationales, donne des indications sur ce que devrait « empocher » le président du Faso issu des prochaines élections.
En avril 2022, le président de la Transition d’alors, le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, avait, par décret, pratiquement augmenté de 100% les rémunérations du Premier ministre, des présidents d’institution et des membres du gouvernement. Il avait ainsi tordu le cou au décret de 2008 jusque-là en vigueur. La rémunération du Premier ministre (indemnités comprises) était désormais portée à 2 782 717 FCFA alors que le décret de 2008 prévoyait un total de 1 308 000 FCFA.
Les ministres du MPSR1, eux, percevaient, y compris les indemnités, 2 386 256 FCFA. Le décret de 2008 avait prévu un total de 1 155 000 FCFA. Mais il y avait un flou total concernant la rémunération du président Damiba lui-même. Le Président Roch Marc Christian Kaboré, qu’il a renversé le 24 janvier 2022, recevait, chaque mois, 2 500 000 FCFA en plus des fonds spéciaux ou « caisse noire » estimés à un peu plus de 4 milliards de francs CFA.
Blaise Compaoré, chassé du pouvoir en 2014, disposait également d’une « caisse noire » estimée à des milliards de francs CFA et une rémunération estimée à 2 522 500 FCFA. Selon nos sources, la « caisse noire » mise à la disposition du Président Damiba par l’Etat était également évalué à des milliards de francs CFA. Mais le décret portant sur sa rémunération mensuelle qu’il a lui-même signé n’a jamais été rendu public.
Après moult recherches, nous l’avons retrouvé. Mais il est plutôt énigmatique. Aucun montant n’y est mentionné. Le décret fait référence à des données techniques susceptibles de renvoyer à des rubriques de rémunération. Contrairement au décret de 2008, celui signé par le président Damiba le 15 avril 2022 inclut, en plus du traitement de base mensuel et des indemnités de responsabilité, d’astreinte et de l’indemnité spécifique de responsabilité financière, des « avantages en nature » (sans autres précisions). On peut également lire ceci : « le traitement de base mensuel du Président du Faso est indexé à l’indice le plus élevé des grilles spécifiques de la fonction publique. Le coefficient d’indexation est fixé à 1,50 ».
Selon le décret, les taux mensuels des indemnités « sont déterminés par application d’un coefficient d’indexation à la valeur nominale cumulée des taux d’indemnités les plus élevés prévus aux termes des grilles indemnitaires spécifiques applicables aux agents de la fonction publique ». Un flou artistique !
Le Président Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir par coup d’Etat, le 30 septembre 2022, a décidé de « dégonfler » les deux décrets pris par le Président Damiba. Le décret signé le 9 décembre 2022, visé le même jour par le Contrôleur financier, abroge toutes dispositions antérieures, notamment « le décret N°2022-0045/PRES-TRANS//PM/MEFP/SGG-CM du 15 avril 2022 portant modalités de rémunération du Président du Faso » et « le décret N°2022-0046/PRES-TRANS/PM/MEFP/SGG-CM du 15 avril 2022 portant modalités de rémunération du Premier ministre, des présidents d’institutions et des membres du gouvernement ».
Désormais, selon le décret signé par le Capitaine Traoré, le président du Faso percevra une rémunération de base mensuelle de 1 500 000 FCFA et une indemnité de responsabilité de 1 000 000 FCFA. A cela s’ajoutent des fonds spéciaux (même si le décret n’en parle pas) « estimés à des milliards de francs CFA, montant servi chaque année au chef de l’Etat et qui doit être dépensé dans l’intérêt supérieur de la nation », indique une source bien au parfum du dossier. Pour le reste, le nouveau décret reprend essentiellement les données contenues dans le décret du 31 décembre 2008. Ainsi, le Premier ministre aura 833 000 FCFA comme rémunération de base mensuelle et 475 000 FCFA au titre de l’indemnité de responsabilité.
Place maintenant aux présidents d’institution ! Le Capitaine Traoré indique dans son décret (au bas duquel trôle également les signatures du Premier ministre, Apollinaire Kyélem de Tambèla et du ministre en charge des Finances, Aboubakar Nakanabo), qu’ils percevront, chaque mois, une rémunération de base de 650 000 FCFA et 385 000 FCFA comme indemnité de responsabilité, s’ils veulent disposer de la gratuité de fournitures d’eau, d’électricité et de téléphone. Mais s’ils décident de s’occuper eux même des factures liées à leur consommation d’eau, d’électricité et de téléphone, l’indemnité de responsabilité connaitra une hausse de 100 000 FCFA, soit 485 000 FCFA, ainsi qu’une indemnité de logement de 80 000 FCFA.
Les membres du gouvernement, eux, ont également une rémunération de base mensuelle de 650 000 FCFA. Les ministres d’Etat bénéficient, en plus, de 475 000 FCFA comme indemnité de responsabilité et les autres membres, 425 000 FCFA. Mais tous ont droit, au titre de l’indemnité de logement, à un montant de 80 000 FCFA. Selon l’article 3 du décret, « eu égard à leurs fonctions particulières, seuls ont droit à la gratuité de fournitures d’eau, d’électricité et de téléphone, les personnalités ci-après : le Président du Faso, le Premier ministre, le Président du parlement, le président du Conseil constitutionnel, le Médiateur du Faso, le président du Conseil économique et social, le Grand chancelier des Ordres burkinabè et le Président du Conseil supérieur de la communication ».
Il ne sera plus question de négocier son salaire et signer un contrat spécifique si vous êtes appelé à occuper des fonctions de président du Faso, de Premier ministre, de président d’institution ou de ministre. Selon l’article 2 du décret, « la rémunération ci-dessus fixée s’applique uniformément à toutes les hautes personnalités occupant les mêmes fonctions, quelque soit leur provenance professionnelle et le niveau de rémunération antérieurement acquis ». Cette rémunération entre en vigueur lorsque la personnalité nommée aura effectivement pris fonction.
Autre précision : « lorsque la personne, avant sa nomination, est employée dans une société d’Etat, une société d’économie mixte ou dans un établissement de l’Etat, elle est d’office mise à la disposition de l’Etat et retrouve son emploi d’origine à la fin de sa fonction politique. Pendant toute la période de sa mise à disposition, l’organisme employeur continue de gérer la personne sur le plan administratif », indique l’article 4.
Mais les hautes personnalités continueront-elles de conserver ces avantages six mois après la fin de leurs fonctions ? Cette question avait suscité des gorges chaudes en 2022. Et en plus, certains ministres qui avaient négocié, dans les coulisses, des contrats particuliers, percevaient une rémunération particulièrement élevée.
La commission technique chargée d’élaborer les textes de la Transition avait alors formulé une recommandation à ce sujet. Elle avait préconisé, au titre des rémunérations des hautes personnalités, que les nouvelles autorités prennent en compte les dispositions du décret de décembre 2008, à l’exception d’une seule : celle qui permet aux personnalités en fin de fonction de pouvoir jouir des mêmes avantages pendant six mois. Cet appel n’a visiblement pas eu bon écho du côté du Capitaine Ibrahim Traoré.
Selon le décret qu’il a signé le 9 décembre dernier, « le Premier ministre, les Présidents d’institutions et les membres du gouvernement conservent leur rémunération et leurs avantages pendant une période de six (6) mois après la fin de leur fonction politique, sauf si l’interruption est consécutive à une cause autre que la fin normale de la fonction ». Décès ou coup d’Etat par exemple.