En ce 21e siècle, aussi appelé l’ère des Technologies de l’Information et de la Communication à la portée de tous, une forme de recel qui donne du fil à retordre aux forces de l’ordre, prend de l’ampleur. C’est le recel de téléphone. Ce phénomène est une conséquence d’autres délits tels que le vol. Le recel de matériels téléphoniques entraine très souvent de graves conséquences, avec de nombreuses victimes. La police est à pied d’œuvre dans la lutte contre ce phénomène. Quels sont les modes opératoires et que disent les lois en vigueur ? Éléments de réponse.
Le délit de recel en général, c’est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. Le recel de téléphone est donc le fait de détenir ou de dissimuler un téléphone ou du matériel téléphonique provenant d’un délit. C’est une conséquence au vol.
Le phénomène de recel est puni par l’article 614-1 du code pénal : « Sont punis d’une peine d’emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 300.000 à 1.500.000 francs CFA ou de l’une de ces deux peines seulement, ceux qui recèlent en tout ou en partie des choses enlevées, détournées ou obtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit. L’amende peut être élevée au-delà de 1.500.000 francs CFA sans dépasser la moitié de la valeur des objets recélés, le tout sans préjudice des plus fortes peines s’il y a lieu en cas de complicité de crime ».
Généralement, après avoir commis le vol de téléphone, l’appareil confié à un expert informatique qui se charge de le reconditionner afin de le rendre indétectable. Ainsi, le numéro IMEI qui permet de retracer le téléphone, où qu’il se trouve, est changé ou supprimé. Il est ensuite mis sur le marché noir des téléphones et matériels informatiques, à l’instar de Zaabr-Daaga, à Ouagadougou. Ce téléphone est vendu à vil prix à des revendeurs qui, très souvent, sont au courant de la provenance de ces téléphones ; ce qui fait d’eux des complices. Par contre, beaucoup de revendeurs se font entrainer dans ce phénomène par ignorance et en payent très souvent le prix fort.
Le numéro IMEI, un indicateur de pointe
Grâce au numéro IMEI, la police arrive très souvent à retracer les téléphones volés. C’est le cas de celui d’Ismaël Saydou Ganamé, communicateur. Agressé aux alentours de 23 h le 26 octobre 2021 à Tanghin, un quartier de Ouagadougou, ses deux téléphones Android lui ont été dérobés en plus de son ordinateur portable. Quelques jours après l’agression, toujours en convalescence, il porte plainte au commissariat de Tampouy et à la gendarmerie de Paspanga. Environ trois semaines plus tard, l’un de ses téléphones portables est retrouvé. « Ma plainte a permis de retrouver mon téléphone et en même temps de mettre la main sur un réseau de receleurs. Mais malheureusement, ils n’ont pas retrouvé mon agresseur », nous a-t-il confié.
Il n’en reste pas moins que ces malfaiteurs trouvent des échappatoires face à cette technologie. En effet, beaucoup sont ceux qui arrivent à effacer ou à changer le numéro IMEI pour empêcher les forces de l’ordre de remonter jusqu’à eux. Mais c’est sans compter sur la détermination de la police et de la gendarmerie qui, elles aussi, disposent d’un arsenal de technologies pour mettre fin à ces pratiques malsaines. Bien évidemment, ces techniques ne nous ont pas été dévoilées.
« Je pense que le mieux, c’est de ne jamais avoir à faire aux téléphones d’occasions. Il est préférable d’en acheter des neufs pour éviter tout malentendu »,suggère Ismaël Saydou Ganamé. Et jusqu’à ce jour, impossible de mettre la main sur l’ordinateur portable et le second téléphone. A croire qu’ils se sont volatilisés dans la nature.
Zaabr-Daaga est le marché noir par excellence de la téléphonie mobile à Ouagadougou. On y trouve du tout ou presque. Des revendeurs de téléphones d’occasions, on en trouve plein. L’on se demande alors quel stratège ils mettent en place pour éviter d’être accusés de recel ou d’être arnaqués par des voleurs ou d’autres receleurs.
Sous le pseudonyme d’Issa Kaboré, un commerçant de ce marché atypique a accepté de se prêter à nos questions. Vendeur de téléphones depuis environ 10 ans, Issa Kaboré dit connaitre assez le recel car il a failli en être victime. « Mon voisin autrefois revendait des téléphones d’occasions. Son fournisseur m’a proposé d’acheter sa marchandise pour faire de gros bénéfices comme mon voisin. J’ai failli accepter. Heureusement que j’avais un ami policier qui me l’a déconseillé et les a dénoncés. A l’issue de l’enquête, les deux ont été interpellés par la police. Et depuis lors, je me méfie des téléphones seconde main » a-t-il expliqué.
En matière de recel, il est très difficile de prouver son innocence si l’on est entré en possession de l’objet volé. C’est ainsi que beaucoup d’innocents sont accusés à tort de recel et peinent à être innocentés. « Pour éviter d’être accusé de receleur, je ne rachète pas de téléphone seconde main s’il ne provient pas de ma boutique ou si le revendeur ne dispose pas d’un reçu de paiement. De la sorte, je me mets à l’abri et je gagne honnêtement ma vie »,soutient-il.
Un phénomène qui favorise le terrorisme
De plus en plus, des populations des zones rurales sont victimes de vols de téléphones lors de leurs déplacements et pendant leurs activités. Dans la région de l’Est par exemple, les populations pendant leurs voyages, sont soumises à des fouilles par des Hommes armés non identifiés (HANI). A l’issue de cette fouille, elles sont dépossédées très souvent de leur matériel téléphonique. C’est également une forme de recel, car ces téléphones restent en à la possession des terroristes et sont ensuite réutilisés à des fins malsaines, comme faciliter la communication entre HANI sans débourser un sou et sans être facilement repéré.
En cas d’acte posé contre la loi par le biais de ces téléphones, les principaux suspects pour la police sont les premiers détenteurs des téléphones, c’est-à-dire les populations, si elles ne prennent pas le soin de faire une déclaration de perte auprès des autorités compétentes. Étant donné que l’administration et même les services de sécurité se font rares dans ces zones, ce type de déclaration devient un supplice pour elles.
Nos demandes d’audience auprès de la police n’ayant pas porté ses fruits, nous sommes dans l’incapacité de fournir des chiffres pour illustrer l’ampleur de ce phénomène encore méconnu par bon nombre des citoyens.
Retenons néanmoins qu’il faut une bonne règlementation pour régir ce milieu et lutter efficacement contre le phénomène. La vente et l’achat de téléphones d’occasion n’est pas mauvaise en soi, car tout le monde ne peut se procurer un téléphone neuf. Cependant, il convient de voter des lois qui facilitent la lutte contre ce phénomène, par exemple ne pas acheter de téléphones sans avoir reçu un ticket ou un reçu selon les normes requises. De cette manière, les dégâts causés par le recel de téléphone seront minimes.