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Burkina Faso : le douloureux périple d’une femme déplacée interne

Le Burkina Faso est touché de plein fouet par l’hydre terroriste depuis 2015. Dans plusieurs régions du pays, des hommes armés non identifiés ont perpétré des exactions. Cette situation a provoqué le déplacement de millions de Burkinabè fuyant les atrocités. C’est le cas de Alimata S. qui a regagné Ouagadougou après avoir parcouru plus de 85 kilomètres à pied, traînant une charrette contenant ses enfants et des femmes âgées ne pouvant pas marcher. Ses journées jadis paisibles sont aujourd’hui des souvenirs lointains.

Kelbo, une commune de la province du Soum, région du Sahel, s’est vidée de la majorité de sa population. Ces derniers, sentant accroître le sentiment d’insécurité, ont dû fuir, laissant tout derrière eux. Les femmes et les enfants sont la grande majorité des déplacés internes, les terroristes ayant jeté leur dévolu meurtrier sur les hommes. Alimata, 56 ans, mère de sept enfants, fait partie de ceux qui ont décidé de partir afin de sauver sa vie. Elle réside depuis trois ans dans un camp de déplacés internes près de Ouagadougou, la capitale burkinabè.

Les doigts entrelacés, les cheveux blancs attachés par un foulard jaune et couvert d’un voile blanc, le visage triste, la voix basse, elle nous raconte son périple de Kelbo à Ouagadougou. « C’est très tôt le matin que nous avons quitté Kelbo. Nous n’étions que des femmes et des enfants. Les hommes avaient déjà fui le village par peur d’être tués par les terroristes. Même les vieux avaient fui. Nous avons mis les vieilles femmes et les petits enfants dans deux charrettes et les avons tirées. Tout ce que nous possédions est resté là-bas. Les terroristes ont amené le bétail. Nous avons fui sans rien. Nous avons marché toute la journée et même une partie de la nuit avant d’atteindre Bourzanga situé à plus de 45 km de Kelbo. Nous avions faim et soif, mais nous n’avions rien à manger sur la route. Nous avions également peur de rencontrer des hommes armés. Par la grâce de Dieu, nous ne les avons pas rencontrés ».

Alimata S.

Ne connaissant personne à Bourzanga, Alimata et le groupe sont recueillis par des soldats qui assurent la sécurité de la ville. Ils leur ont offert à manger et à boire. Le groupe passe alors trois jours à Bourzanga afin de se reposer et de laisser le temps aux pieds de dégonfler. Certains décident de rester à Bourzanga, rassurés par la présence des soldats, tandis que Alimata et une autre partie du groupe décident de continuer à Kongoussi situé à plus de 42 km.

C’est reparti pour une longue marche. Malgré la fatigue, la faim, la soif, les pleurs des enfants et la peur, le groupe continue jusqu’à destination. Trois jours s’écoulent quand une bonne volonté, parent à Alimata leur envoie un bus qui les emmène à Ouagadougou. Loin de l’insécurité de leur village, ils font maintenant face à l’insécurité alimentaire et sanitaire.

« Arrivé à Ouagadougou, les enfants sont tombés malades parce qu’ils ont beaucoup marché et étaient très fatigués. Nous sommes allés à l’hôpital, mais comme nous n’avions pas d’argent, nous n’avons eu droit qu’à de petits comprimés qui ne soignent pas totalement le mal. Nous peinons à nourrir les enfants », relate-t-elle la tête baissée.

Elle essaie de mener de petites activités pour avoir un peu d’argent.  « Je ramasse le sable que je vends, mais il n’y a pas de marché », dit-elle en nous montrant du doigt des tas de sable à quelques mètres de son lieu d’habitation. Elle occupe d’ailleurs la maisonnette qu’une bonne volonté à accepter de lui prêter pour le moment.

Alimata a retrouvé son mari plus d’un mois après. Ce dernier avait fui Kelbo bien avant son épouse et ses enfants.

Ce triste récit est celui vécu par des millions d’autres, à quelques détails près. Le Burkina s’est lancé avec ardeur à la reconquête de son territoire et l’espoir renaît grâce à la reprise, en décembre dernier, de Solenzo, ville meurtrie. Ville qui renait !

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