L’avènement du terrorisme a entraîné le déplacement de près de deux millions de personnes à la date du 31 janvier 2023 selon le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR). Les enfants représentent 58,43% de ce nombre. Ils sont souvent laissés pour compte. Pourtant, ils ont le plus à perdre car ils sont confrontés à un avenir incertain. Sur le site improvisé des Personnes déplacées internes de Kalgondin, un quartier de Ouagadougou, les jumelles Alima et Amina nourrissent secrètement le rêve de devenir couturières.
Contraintes de fuir les exactions terroristes avec leurs parents, Alima et Amina ont vu leur quotidien s’effriter. Âgées de 14 ans, elles vivent sur ce site depuis maintenant cinq ans. Elles ont du mal à manger à leur faim. Pour assurer la pitance quotidienne, elles ont commencé la vente de tô (pâte de mil) avec leur mère. Dans un plat, la maman des jumelles sert le repas et ses filles se promènent sur le site pour espérer écouler la marchandise vendue à 25 FCFA la boule. Cette famille permet ainsi, par ce commerce, à ses voisins PDI de se nourrir avec le peu de moyens dont ils disposent.
Cependant, le chemin vers la réinsertion économique de ces fillettes n’est pas sans embûches, car elles sont confrontées à d’énormes difficultés. Le mépris des riverains en est la principale . « Nous nous promenons et vendons le tô au sein du site. Les riverains ne veulent pas acheter notre tô, car ils pensent que nous sommes sales », confient-elles
La vente de tô au sein du site n’est pas rentable. Déjà confrontés à une situation financière précaire, les PDI du site n’arrivent pas toujours à en acheter. Ils paient à crédit et souvent n’arrivent pas à rembourser. Les recettes issues de la vente effectuée par les jumelles servent à peine à nourrir leur famille composée de sept personnes.
Le rêve de devenir couturière
Conscientes des difficultés rencontrées par leurs parents pour subvenir à leurs besoins, Alima et Amina souhaitent se lancer dans la couture ou, à défaut, la coiffure. Le seul métier qui leur fait peur est d’être aide-ménagère au sein des ménages. « Nous avons peur des maltraitances que nous pourrions subir si nous tombons sur des gens de mauvaise foi », expliquent- elles.
Malgré toute leur volonté d’apprendre la couture, elles sont confrontées au manque de moyens. « Nous avons essayé d’approcher une couturière pour qu’elle les forme. Mais cette dernière m’a demandé la somme de 100 000 FCFA pour chacune, comme frais de formation. Je n’ai pas d’argent. Leur père est malade et il est devenu vieux. La maison que nous louons à 15 mille FCFA est payée difficilement par mon premier fils qui vend des porte-clés à travers la ville», explique leur mère.
La principale peur des jumelles est de se retrouver séparées. Depuis leur enfance, elles ont toujours fait de leur mieux pour rester ensemble. Avec le sourire, elles soulignent néanmoins qu’elles veulent se marier individuellement.
Elles ne se rappellent plus de leur quotidien à Gorom-Gorom, dans la région du Sahel, mais elles se souviennent de la tranquillité qui y régnait lorsqu’elles étaient encore toutes petites. Les matins au village étaient paisibles. « On ne partait pas à l’école; notre activité principale le matin, c’était le pâturage. On sortait avec le troupeau et on revenait le soir », explique Alima. L’avènement du terrorisme a anéanti cette tranquillité.