Le Burkina Faso est en proie au terrorisme depuis plusieurs années. Des solutions sont envisagées chaque jour pour venir à bout de ce fléau qui menace la souveraineté de l’État. « Terrorisme au Burkina Faso : Faut-il négocier ou pas ?« . C’est le titre d’un ouvrage réalisé par une équipe de chercheurs et dirigé par le Dr Boniface Somé. 24heures.bf est allé à sa rencontre pour mieux cerner les réponses à l’épineuse question que pose l’ouvrage.
24heures.bf : Votre ouvrage s’intitule « terrorisme au Burkina Faso : Faut-il négocier ou pas ? » Quelle est votre réponse à la question que pose l’ouvrage ?
Dr Boniface Somé : Toute guerre se termine par la négociation ou elle démarre par la négociation. La négociation a toujours été un maillon de la guerre. Nous sommes dans une circonstance de guerre totalement différente des autres formes de guerre que nous avons connues ou que l’histoire nous a révélées. Elle est définie par certains comme étant une guerre asymétrique où l’ennemi est plus ou moins invisible.
Nous avons pu en quelque sorte refléter les visages des groupes armés terroristes. S’il s’agit de négocier, on pourrait les retrouver, entamer un dialogue et négocier au pas. Cela ne veut pas dire négocier directement avec les terroristes. Le concept des négociations est polysémique et signifie que négocier peut-être entre nous les conséquences du terrorisme.
Est-ce qu’entre nous, il y a discrimination, il y a exclusion ? Y a-t-il massacre entre des groupes ethniques ? Est-ce qu’il n’est pas important de négocier entre villages pour abriter des personnes déplacées internes ? Négocier ou pas, c’est offrir des lopins de terre à ces déplacés internes. Négocier ou pas, c’est négocier au-delà de la guerre. Comment allons-nous vivre ensemble après la guerre ?
Vous parliez tantôt des différents visages du terrorisme ? Qui sont-ils ?
Il y a des terroristes affamés. On pourrait parler de terrorisme alimentaire. Ce sont des gens qui ont pris les armes parce qu’ils se sont dit qu’il vaut mieux mourir de quelque chose, puisque la faim ou les problèmes économiques nous tuent.
Il y a le terrorisme idéologique. C’est ce terrorisme-là qui émerge de la pensée dure liée à l’islam. Voici le type de terrorisme avec lequel on ne saurait négocier. Ces gens pensent qu’il n’y a qu’un Dieu, le leur. Il est difficile d’envisager une négociation avec eux. Ils veulent réduire notre pays et son peuple à une sorte de soumission esclavagiste religieuse et il est inconcevable pour un État tel que le nôtre de concevoir cela.
Dans quelle mesure faut-il éviter de négocier avec les terroristes ?
Un État ne saurait négocier sa souveraineté. Un État ne saurait négocier les arcanes essentiels de son existence. Il s’agit de la laïcité pour nous au Burkina Faso ; il s’agit de notre souveraineté ; il s’agit des questions de liberté, de démocratie. Ce sont des questions qui ne se négocient pas. On pourrait, en fonction de la typologie de ces groupes armés terroristes, envisager des passerelles de dialogue.
Le terrorisme est un fléau qui sévit et qui fait de nombreuses victimes. Quel est l’intérêt de négocier avec ceux qui tuent sans pitié ?
L’intérêt pour le Burkina Faso, c’est de ramener certains de ces jeunes citoyens perdus à la mère patrie. Il s’agit de l’avenir de la nation parce que la jeunesse, quoi qu’il en soit, constitue l’avenir d’une nation. L’intérêt pour l’État, c’est de ramener donc ces jeunes-là qui sont perdus, et bien entendu l’intérêt pour l’État, c’est de participer à la cohésion sociale et prouver que le vivre-ensemble et l’apaisement sont encore possibles. On pourrait déployer les moyens mis dans la lutte contre le terrorisme pour éradiquer d’autres fléaux au Burkina Faso.
Quelles sont les stratégies que vous préconisez pour une bonne négociation avec les terroristes ?
Quand un phénomène vous accable de cette façon et quand vous êtes attaqués de toute part, il faudrait envisager le dialogue. Si l’intérêt des terroristes est celui d’avoir quelque chose à manger, je pense que la solution serait assez simple. Quant au terrorisme idéologique, ce serait extrêmement compliqué. On pourrait impliquer par exemple des personnes-ressources, des structures qui s’y connaissent en matière de négociation pour pouvoir établir le dialogue. C’est le début de l’initiative de la négociation.
Il y a quelques mois, une initiative des comités locaux de dialogue s’est formée. Mais c’est une œuvre extrêmement difficile, extrêmement périlleuse, car si elle échoue, la guerre peut se relancer, de façon plus violente. La négociation peut donc commencer par des initiatives locales à travers des personnes qui s’y connaissent.
Si vous prenez nos confessions religieuses, certaines personnes-ressources disposent du savoir faire en matière de dialogue, en matière de négociation. D’une façon générale, aucune femme ne souhaite que son enfant aille prendre une arme pour attaquer la nation, attaquer la communauté, attaquer à sa famille. La femme peut être ici un moyen de dialogue, acteur décisif en matière de dialogue. Les perspectives sont diverses, mais on peut commencer par là.
Quand deux villages, du fait du terrorisme, s’affrontent ou lorsque les populations s’entre-tuent, on peut rétablir le dialogue. Il y a, bien entendu, des mécanismes pour le faire. L’État peut passer par des personnes, des associations, des structures spécialisées en la matière. Il restera à définir le cadre, le lieu et les mécanismes. Je fais confiance à l’intelligence humaine telle que conçue par Dieu et je pense que cette intelligence humaine dont personne n’a le monopole peut être impliquée, convoquée au service de tout dialogue, de toute négociation.
Quelles sont vos autres propositions pour venir à bout du terrorisme ?
Différents aspects et perspectives peuvent être envisagés par l’État. Il est dans son rôle régalien, bien entendu, d’assumer ses responsabilités, de défendre les frontières du pays et de défendre son peuple. Il y a une certaine montée en puissance dans la bataille contre ces groupes armés terroristes.
Le président du Faso l’a exprimé à plusieurs reprises devant son peuple et on voit le courage des FDS et de nos VDP ; on voit de l’engagement, on voit que ce pays-là est en train de se doter de moyens pour réduire le terrorisme à sa plus simple expression. C’est déjà une avancée. En tant que Burkinabè, tout citoyen devrait soutenir cette action salvatrice.
Mais il n’y a pas que la guerre pour la guerre et il n’y a pas que la guerre contre la guerre. Il y a des mini-guerres et il faut les solder par le biais du dialogue, par le biais de la négociation en attendant qu’il soit possible un jour de réduire à sa plus simple expression le terrorisme dur.