Acteurs Politiques

Suspension des activités politiques : une pilule moins amère pour le CDP

Les activités des partis politiques sont suspendues depuis le coup d’Etat du 24 janvier 2022. Cette décision a été réitérée par le Capitaine Ibrahim Traoré qui a également accédé au pouvoir, par coup d’Etat, le 30 septembre dernier. Cette décision, même si elle parait autoritaire, à toute sa raison d’être. C’est d’ailleurs ce que relève le Secrétaire à l’organisation, à l’administration et à l’information de la section provinciale du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP/Houet), Alfred Kini. Il aborde par ailleurs d’autres questions politiques dans cette interview accordée à 24heures.bf, le 30 janvier 2023, à Bobo-Dioulasso.

24heues.bf : Comment se porte le CDP ?

Alfred Kini: Aujourd’hui, le parti CDP se porte très bien, même si les activités politiques sont au ralenti. De la section centrale à toutes les sous-sections, tout se passe bien et nous sommes optimistes.

Ces dernières années, il y a eu beaucoup de turbulences dans la vie des partis politiques au Burkina Faso. Certains ténors ont même changé de bord politique.  Comment appréciez-vous cela ?

En démocratie, tout est dynamique. C’est effectivement le constat que nous avons fait. Mais je crois qu’on peut prendre cela sous l’angle de la vivacité des acteurs politiques. A un moment donné, chacun pense mieux se positionner. Cette action n’est pas, selon nous, une mésaventure. Ce sont des effets naturels de la vie en communauté. Même au niveau de ce qu’on appelle la cellule familiale, il y a souvent des divorces, tout comme des additions.  Mais cela n’empêche pas que la famille soit forte. 

Le CDP depuis sa création a vécu ce genre de situations. Il est donc paré à toutes les éventualités. Pratiquement tous les partis politiques sont issus du CDP si on analyse bien la situation. Ce sont ses anciens membres qui créent, la plupart du temps, les nouveaux partis politiques. Je crois qu’il faut voir cela positivement et naturellement, car même un arbre a besoin de perdre ses feuilles afin de générer de nouvelles feuilles et de mieux produire.

Quelles sont, selon-vous, les causes de ces départs ?

La principale cause réside dans le fait que le parti qui avance vers de nouvelles visions. Après plusieurs années de vie politique, d’actions et de contrat avec le peuple, il faut, à des moments donnés, des introspections, et réorienter ces actions, pour être mieux vu par les masses populaires. Dans cette dynamique, nous avons estimé qu’il y a des acteurs, qui ont pris la marche. Mais tout compte fait, le CDP est en train de se renouveler pour apporter une réponse honorable au peuple burkinabè.

Comment analysez-vous la suspension des activités politiques ? Pensez-vous que les autorités de la transition vous font du forcing ? 

Depuis le début de la transition, et même avant, la situation nationale n’est pas reluisante du fait de l’insécurité. En tant que parti républicain, nous avons remarqué que la situation était presque chaotique. Ainsi, nous avons estimé que la priorité était d’appuyer les autorités du moment pour qu’il y ait la paix au Burkina Faso. Lorsque nous aurons reconquis nos territoires, nous reprendrons nos activités politiques. Je ne pense pas que ce soit du forcing. 

D’ailleurs, même si aujourd’hui, on nous disait de continuer nos activés, où irions-nous ? On dit que 40 % du territoire sont occupés, et qu’il y a des zones à risques. Or, qui dit activités politiques, dit mouvements.  Tout compte fait, l’armée étant le premier acteur de la défense, elle devait prendre ses responsabilités et ramener la stabilité. Déjà, si nous prenons l’exemple de la région des Hauts-Bassins, Bobo-Dioulasso était en cours d’être isolée. Et il y a plusieurs localités environnantes, lorsqu’on y va, c’est avec la peur au ventre. Donc il fallait que le peuple soit concentré sur l’essentiel, c’est-à-dire œuvrer pour le retour de la paix.

Quelle appréciation faites-vous de la gestion du Capitaine Ibrahim Traoré ?

Nous avons vu un Président très engagé, qui va sur le terrain, ce qui est très rare, et un président véridique. Il n’adopte pas un système de communication vertical. Il adopte le type de communication horizontal. Il parle librement et sans détours. C’est un langage très véridique, et le peuple apprécie cela. Au CDP, nous sommes vraiment persuadés qu’avec ces autorités, et avec notre soutien, on ira loin, tout en espérant bientôt que ce phénomène terroriste qui empêche le pays de souffler convenablement, prenne fin.

Quelle est la contribution du CDP à l’endroit des autorités pour la reconquête du territoire ?

Les autorités militaires, à leur arrivée au pouvoir, ont demandé le soutien du peuple. Nous, en tant que formation politique, nous avons des adeptes et des millions de militants. D’abord, nous avons donné notre aval afin que nos militants puissent aller répondre à l’appel des autorités. Donc le soutien à l’effort de guerre en premier. A l’occasion de la 73ᵉ session de notre Bureau politique national, et sur place, le président du parti a demandé à ce qu’il y ait une contribution volontaire. Et dans la même salle, nous avons pu mobiliser deux millions de francs CFA pour soutenir la guerre.  

Deuxièmement, nous avons mobilisé beaucoup de nos militants afin qu’ils se fassent enrôler comme Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Plusieurs d’entre eux sont partis en formation, et nous prenons de façon permanente leurs nouvelles afin de savoir comment ils se portent et comment la formation se déroule dans l’ensemble. Dans les villages également, nous sensibilisons nos militants et les populations, à être des agents de renseignement aux côtés des forces de défense et de sécurité. En effet, tout parti politique, qui est soucieux de la situation actuelle du Burkina Faso, doit soutenir les autorités en place. 

Nous sommes un parti républicain comme tout autre au Burkina Faso. Aucun d’entre nous n’est favorable à un coup d’Etat. Mais il faut qu’on laisse cela de côté, et que nous prenions conscience de la situation que traverse le pays. La priorité ici n’est pas d’avoir le pouvoir. Même si vous avez le pouvoir, comment allez-vous gérer le pays avec cette situation sécuritaire extrêmement préoccupante ? Donc l’important, c’est de trouver des moyens pour sortir de cette passe. Et cela ne serait pas possible, si nous même, nous ne soutenons pas les acteurs en première ligne de cette lutte. 

Quel est l’état de collaboration entre le CDP et les autres partis politiques ?

Etant donné que nous sortons d’une élection, où il y avait des élus, même si le pouvoir du  MPP a été interrompu, la démocratie a pris un coup. Mais nous avons quand même quelques expériences en termes d’organisations, car nous étions chef de file de l’opposition politique. Justement, par rapport à cela, tous les partis qui étaient avec nous, sont nos collaborateurs.

Quelles sont vos suggestions à l’endroit des autorités actuelles ?

D’abord, nous les félicitons, car ce qui est fait, est déjà exceptionnel. Quand on voit un chef d’Etat, qui va jusque dans les Banwa par la route malgré la situation sécuritaire difficile, c’est le courage extrême. Nous leur demandons de maintenir le cap avec le soutien de la population. Vu l’onction populaire dont bénéficie cette transition, avec les prières, nous sommes convaincus que très bientôt, le pays sera restauré. Nous leur faisons confiance, et nous suivrons la ligne qu’elles traceront pour la reconquête du territoire.

Le CDP rencontre-t-il des difficultés ?

Le CDP ne rencontre pas de difficultés majeures, à l’exception de l’insuffisance de moyens financiers. Tous les partis politiques sont d’ailleurs confrontés à cette situation. Nous avançon en fonction de l’économie du Burkina qui a été affectée par l’insécurité. Lorsque dans un parti, il y a un nombre important de déplacés interne, il y a le volet solidarité qui pèse sur chacun. Même les cotisations que nous lançons, plus le militant est chez lui avec sa petite activité, plus il peut contribuer aisément à la vie du parti. Mais si le militant lui-même est un déplacé interne, il aura du mal à s’acquitter de ses responsabilités vis-à-vis du parti.

Quelles sont vos ambitions post-transition ?

Naturellement, comme tout parti politique, notre ambition après la transition, c’est de conquérir le pouvoir d’Etat. Nous sommes déjà convaincus que de là où le CDP a une représentativité visible et sensible sur toute l’étendue du territoire, si nous renforçons notre côté organisationnel, il n’y a pas de parti qui pourra nous battre. Nous avons des militants qui savent qu’il faut être résiliant. Nous sommes optimistes, et avec plus de détermination, nous pourrions remporter les élections à venir.

Qu’avez-vous, du fond du cœur, envie de dire que l’on n’a pas encore abordé dans cette interview ?

Si j’ai un dernier mot, c’est d’inviter tous nos militants et les Burkinabè en général, à soutenir la mère patrie. Aujourd’hui, quoi qu’on dise, nous avons une transition volontaire par rapport à la reconquête de l’intégrité territoriale et au retour de la paix. La lutte pour la sécurité n’est pas qu’une affaire de militaires et de VDP, mais c’est une affaire qui concerne tous les patriotes. 

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