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Sit-in à l’Université Joseph Ki-Zerbo : “Aucun Burkinabè ne saurait laisser un médecin qui n’a fait qu’un mois de stage opérer son proche” 

Des étudiants de l’Unité de formation et de recherche en sciences de la Santé (UFR-SDS) sont en mouvement d’humeur. Ils se sont réunis ce 27 novembre devant la direction de l’UFR pour, disent-ils, réclamer de meilleures conditions d’étude. 

Un vacarme nous accueille à la porte de l’UFR-SDS. Pancartes en mains, sifflet à la bouche, ces étudiants estiment que leurs conditions d’étude ne leur permettent pas d’exercer le métier de médecin.

Des chants sont repris en boucle. Objectif : attirer l’attention de l’administration sur ce qu’ils appellent “les difficiles conditions d’étude au sein de l’UFR-SDS”.

Ils ont été nombreux à se réunir aujourd’hui devant la porte de l’administration.

Perché sur un étage, un groupe d’étudiants conduit le mouvement. “Non à la réduction des heures de stage”, lance l’un d’entre eux. Et les autres de répondre en chœur “oui à de meilleures conditions d’étude”.

L’hymne national, le Ditanyè (chant de gloire en langue lobiri), est également entonné. Alors que le mouvement se poursuit, un groupe d’étudiants discute avec l’administration afin de trouver des solutions.

“Notre décision ce matin dépendra de l’issue des échanges avec l’administration”, déclare un étudiant avec un ton ferme.

La plateforme revendicative des étudiants en médecine comporte 9 points. Le premier est la programmation des stages, leur durée, les frais de stage destinés aux étudiants et l’encadrement réservé aux étudiants stagiaires.

Les manifestants plaident aussi pour une prise en compte des doléances relatives aux bourses intermédiaires, allocations auxquelles ils n’ont pas accès, les moyennes n’apparaissant pas sur les relevés de notes. Cela ne permet donc pas de les prendre en compte au moment de l’attribution des bourses.

À cela s’ajoutent la question du nouveau curricula de formation, les heures d’études réservées aux étudiants et la programmation des évaluations.

Selon Romaric Méda, étudiant en 5e année de médecine, la réduction du volume horaire des cours et des stages a été annoncée par l’administration comme pour rattraper le retard académique.

Romaric Méda s’inquiète de son avenir professionnel/@LK

“L’administration veut qu’on finisse l’année académique entre 4 et 5 mois, y compris les cours et les stages. Alors qu’elle prend 3 à 4 mois pour faire sortir les résultats”, déclare-il.

Pour lui, cette mesure visant à absorber le retard académique est inefficace car “nos promotionnaires à Bobo-Dioulasso sont en 6e année alors que nous sommes toujours en 5e année”.

Selon lui, la réduction du volume des cours prive les étudiants de certains modules.

Il pointe aussi du doigt la réduction de la durée des stages qui passe, selon lui, de 11 mois à 1 mois pour les étudiants en 6e année.

“Quel genre de médecins ces étudiants vont-ils devenir?”, s’interroge-t-il.

Pour lui, le suivi et l’encadrement des étudiants stagiaires posent aussi problème.

“Sur les lieux de stages, nous sommes laissés à nous-mêmes, que l’étudiant aille au stage ou pas, ce n’est pas le problème de l’administration. J’étais étonné de voir un interne, notamment un étudiant en 7e année de médecine, ne soit pas capable de prendre la tension artérielle d’un malade. Quel genre de médecin va-t-il devenir?”, déplore-t-il. Ce dernier, tout comme plusieurs de ses promotionnaires, déclare être inquiet de son avenir professionnel.

“Nous devons nous occuper des vies humaines à la fin de notre formation; c’est une question très sensible qui nécessite qu’on se lève dès à présent parce que ce n’est pas le Directeur de l’UFR ou le Président de l’université qui va venir nous défendre s’il arrive que nous fassions des erreurs médicales dans l’exercice de notre fonction. Si nous ne nous ressaisissons pas, nous risquons de nous retrouver dans les maisons d’arrêt ou de détention plutôt que dans les hôpitaux”, déclare-t-il avant de préciser: “ce sont ces craintes qui nous poussent à l’action”.

Il dénonce aussi “des velléités de suppression des frais de stage”.

Pour lui, chaque année, les étudiants sont obligés de manifester pour entrer en possession des frais de stage.

Des discussions ont été menées entre les étudiants et l’administration afin de trouver des solutions. Sans succès. Une autre rencontre s’est même tenue ce matin pour “une sortie de crise”.

Réponse de l’autorité

La réunion a été interdite aux journalistes. Notre tentative d’obtenir la version de l’administration les revendications a été vaine.

Ken Royce Monné et Franck Ouédraogo font partie des étudiants qui ont participé aux discussions avec l’administration sur la plateforme revendicative.

Ken Royce Monné et Franck Ouédraogo dressent le bilan de leur rencontre avec l’administration/@LK

Le premier, délégué de la promotion Doctorat 1 de médecine, affirme qu’il s’agissait de présenter à l’autorité, les difficultés rencontrées par les étudiants. Principalement la réduction des heures de cours et de la durée des stages.

“Nous avons juste un mois et dix jours de stage. Nous pensons qu’aucun Burkinabè normal ne saurait laisser un médecin qui n’a fait qu’un mois et dix jours de stage opérer son père ou sa mère”, a-t-il lancé.

Selon lui, l’autorité a d’abord demandé aux étudiants d’adresser une note au Directeur de l’UFR. Ce dernier devait transmettre le message au ministère de la Santé et à celui de l’Enseignement supérieur afin que la question des heures de cours et de la durée des stages soit revue.

Il précise également que conformément au statut de l’étudiant externe (6e année) au Burkina Faso, ce stage devrait durer 11 mois.

Le 2e point de la discussion a porté sur l’encadrement des étudiants stagiaires.

“Nous partons parfois dans nos lieux de stage et il n’y a personne pour nous encadrer”, a-t-il relevé.

L’administration a, selon lui, promis de travailler à résoudre le problème afin d’améliorer le suivi des étudiants stagiaires.

Autre point de satisfaction : la programmation des cours.

A ce sujet, l’administration a promis, dit-il, de proroger la durée des stages en zones rurales. Ces stages permettront aux étudiants d’acquérir des compétences pour les Centres médicaux avec antenne chirurgicale (CMA) en tant que médecins généralistes.

Concernant les bourses intermédiaires, il est prévu des concertations avec les responsables du Centre national de l’information, de l’orientation scolaire et professionnelle et des bourses (CIOSPB) afin de permettre aux étudiants méritants en médecine d’en bénéficier.

Autre promesse faite par l’administration selon les étudiants : le règlement des frais de stages des mois d’août et septembre qui s’élèvent à 22 500 F par mois pour les étudiants en Master et 25 000 FCFA pour ceux en Doctorat 1. Et le paiement, dans “les meilleurs délais”, de ces bourses.

La question des heures de “travaux personnels” des étudiants a également été abordée. Ils bénéficieront désormais de temps pour leurs travaux de recherche.

L’administration a aussi, selon le porte-parole des étudiants, promis de régler le problème lié à la programmation des devoirs relatifs aux cours inachevés.

Il est également prévu l’acquisition de matériel adéquat afin de permettre aux étudiants de se former dans la sérénité.

Le revendication relative à la durée des stages hospitaliers est cependant restée sans réponse précise de la part de l’administration, indiquent les porte-paroles des étudiants.

Lire aussi | Burkina Faso/ Université Joseph Ki-Zerbo : des étudiants en mouvement d’humeur dispersés à coups de gaz lacrymogènes

2 commentaires

  1. C’est sûrement une des conséquences de l’instabilité politique chronique, chez nos frères burkinabé !!
    Quand on passe son temps à faire des coups d’états à la chaîne, voilà ce que ça donne : les militaires putschistes s’accaparent de la plus grosse partie des ressources de l’Etat, pour le bien-être des soldats et pour acheter des armes et des munitions. Les budgets de l’éducation et de la santé sont automatiquement réduits à leurs portions congrues !!
    La vie est un choix : on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre !!
    Chers voisins du nord, vous avez choisi la dictature militaire, au détriment de la démocratie ; il va falloir donc assumer votre choix !!
    Merci.

  2. Bonjour à toutes et tous vos revendications sont justifiées dite a vos autoritées d’aller faire un stage de quelques jours dans les hôpitaux Publics avec une délégation d’étudiants. Pardon j’ai oublié de vous dire que je suis Français.
    A bientôt. Jean-Claude

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