«Allo ! C’est Courrier confidentiel ? (…) J’ai suivi le compte-rendu du Conseil des ministres du 17 août 2022. De hauts responsables de l’Administration publique ont créé, semble-t-il, plus de 200 comptes bancaires, au nom des structures qu’ils dirigent, dans des banques commerciales sans autorisation du ministère des Finances». Au bout du fil, l’un de nos lecteurs. Il estime que dans ces conditions opaques, ces fonds pourraient être détournés de leur destination initiale. «On parle de plus de 68 milliards de francs CFA. Je voudrais savoir les comptes bancaires concernés par cette situation. Et les banques dans lesquelles ces comptes ont été créés». Il nous demande alors d’activer nos réseaux afin de «retrouver cette fameuse liste qui n’apparait nulle part dans le compte rendu du Conseil des ministres»… Et voilà, c’est fait !
Le ministère des Finances a donné un coup de pied dans la fourmilière. Des équipes de la Direction générale du Trésor et de la comptabilité publique ont déposé leurs valises, du 4 au 29 avril, dans 15 banques commerciales. Ils ont également fouiné dans les archives du Réseau des caisses populaires du Burkina (RCPB). Et aussitôt se sont dégagées des odeurs nauséabondes: 230 comptes bancaires, approvisionnés par des fonds publics, ont été créés sans autorisation du ministère des Finances. La loi est pourtant claire en la matière : pour ouvrir de tels comptes, il y a une procédure précise. Le ministre chargé des finances doit absolument donner un «feu vert». Mais certains hauts responsables de l’administration en ont fait à leur tête. Ils s’exposent ainsi à des sanctions. Le rapport de contrôle en parle. Premier point : le ministre de l’Economie, des Finances et de la Prospective doit impérativement «clôturer» ces comptes bancaires. Et reverser «leurs soldes dans les comptes ACCT à la BECEAO et dans les comptes Trésor ouverts à cet effet». Et ce n’est pas tout. Les banques concernées doivent «payer une pénalité dont le montant est égal à celui du solde en cause multiplié par le taux du marché monétaire pendant la période», indique le document. Les contrôleurs pointent également du doigt les «agents publics irrespectueux de la règlementation sur la centralisation des fonds publics». Ils doivent être soumis, disent-ils, à des «sanctions disciplinaires» telles que prévues par la loi N° 081/2015/CNT du 28 avril 2015.
Les comptes bancaires à problèmes contiennent, selon les contrôleurs, 68 926 514 565 FCFA. Ecobank détient la palme des comptes créés sans autorisation: 63 au total. Vista Bank vient juste après avec 56 comptes ouverts sans l’approbation du ministère des Finances. A la troisième place, United Bank for Africa (UBA) : 17 comptes. Trônent ensuite, la banque commerciale du Burkina (BCB) avec 15 comptes, BSIC (13), Coris Bank international et Bank of Africa (12 comptes chacune). Les autres banques enregistrent, dans leurs livres, moins de dix comptes.
Des structures de l’Etat, et non des moindres, ont plongé dans ces eaux troubles. Selon le rapport établi par les contrôleurs, les montants de certains comptes oscillent entre un milliard et douze milliards de francs CFA. Le compte le plus garni est logé à Wendkuni Bank International : 12 099 513 485 FCFA. Ce compte, créé par l’Assemblée nationale, est destiné à la construction du nouvel hémicycle.
Mais en cumulant les fonds, on se rend compte que Wendkuni Bank international n’est pas vraiment à la tête du peloton. ECOBANK est en première position avec, au total, 16 642 004 831 FCFA. Bref, voici la liste des comptes bancaires ouverts sans autorisation du ministère en charge des finances.