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Enlèvements au Burkina Faso : “Il est temps que cela cesse !” (Collectif d’organisations de la société civile)

Un collectif d’organisations de la Société civile s’est exprimé ce 27 mars sur la situation socio-politique au Burkina. Il s’agit, entre autres, de l’Association des journalistes du Burkina (AJB), du Balai Citoyen, du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD). Mais également du Collectif contre l’Impunité et la stigmatisation des communautés (CISC), du Centre national de presse Norbert Zongo (CNP/NZ), du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP) et du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC). Ce contexte, selon ces organisations, est marqué par une recrudescence des attaques terroristes. Mais également par la “stigmatisation” et des “arrestations arbitraires”. Elles invitent le Chef de l’État à “respecter son serment au nom des principes de l’Etat de droit. Et que cessent ces enlèvements de citoyens burkinabè en totale violation de notre Constitution et des lois de la République”. 

Selon ces organisations, les “dures épreuves” causées par la crise sécuritaire ne devraient “en aucun cas émousser l’esprit de résilience, à fortiori entamer l’engagement du peuple burkinabè à vaincre l’hydre terroriste”.

“Hélas, alors qu’elle constitue une condition sine qua-non pour la victoire contre les forces du mal, la cohésion nationale tant souhaitée par les Burkinabè est quotidiennement mise à rude épreuve. Cela par des actes de gouvernance sociopolitique négatifs, en total déphasage avec cette nécessité de l’heure”, déplorent les signataires de la déclaration.

Ils disent avoir fait le constat selon lequel, il existe une “division systématique des Burkinabè en deux catégories (les « patriotes » et les « apatrides ») .

Cela constitue, disent-ils, l’autre élément de préoccupation majeure du moment.

“Une division stigmatisante, généralement sous-tendue par des menaces de toute nature proférées par des groupuscules instrumentalisés, des arrestations et détentions arbitraires, des enrôlements forcés à des fins de traitements inhumains et dégradants de toute voix émettant une opinion critique négative sur la gestion actuelle du pouvoir d’Etat”, ajoutent-ils.

Ils dénoncent par ailleurs, des arrestations de citoyens. “Une pratique tout aussi nocive et dangereuse qui a cours et s’amplifie”.

Ces arrestations, selon ces organisations, s’opèrent au mépris de toute procédure régulière prescrite par les lois et règlements du Burkina.

“Ces pratiques ne constituent ni plus, ni moins, que des enlèvements”.

Elles mentionnent ici l’article 3 de la Constitution du Burkina Faso. Il dispose que « nul ne peut être privé de sa liberté s’il n’est poursuivi pour des faits prévus et punis par la loi » et que « nul ne peut être arrêté, gardé, déporté ou exilé qu’en vertu de la loi ».

“Or, les personnes enlevées le sont généralement sans motif officiel déclaré et sont détenues dans des lieux tenus secrets par leurs ravisseurs”, lance ce collectif.

Selon les auteurs de la déclaration, le Chef de l’État, le Capitaine Ibrahim Traoré, a solennellement pris l’engagement, le 21 octobre 2022, de respecter et de faire respecter la Constitution.

Cela en jurant devant le peuple burkinabè et sur son honneur, « de préserver, de respecter, de faire respecter et de défendre la Constitution, la Charte de la transition et les lois. Et de tout mettre en œuvre pour garantir la justice à tous les habitants du Burkina Faso ».

Capitaine Ibrahim Traoré/@DR

La Constitution burkinabè proscrit “les violations des libertés individuelles et collectives, les arrestations arbitraires, les enlèvements et autres disparitions forcées”, rappelle le Collectif.

“De ce fait, il apparaît impératif, dit-il, que soit respecté le serment du Chef de l’Etat, au nom des principes de l’Etat de droit, et que cessent ces enlèvements de citoyens burkinabè en totale violation de notre Constitution et des lois de la République”.

Il égrène ici une longue liste de personnes arrêtées sans aucune procédure judiciaire.

Certains ont été conduits au front. Il s’agit, entre autres, de Daouda Diallo, Ablassé Ouédraogo. D’autres sont gardés dans des endroits inaccessibles par leurs proches. Concernant ce deuxième groupe, on peut citer l’homme d’affaires Anselme Kambou et l’avocat Guy HervéKam, par ailleurs Coordinateur du mouvement politique “Servir et non se servir” (SENS). Le Tribunal administratif avait ordonné la libération de ces derniers. Mais sans suite.

“A ces enlèvements récurrents s’ajoute la défiance ouverte de l’Autorité judiciaire par les tenants actuels du pouvoir, avec le refus d’exécuter des décisions de justice”, déplorent ces organisations.

Elles citent par exemple les décisions ordonnant, d’une part, la suspension de l’ordre de réquisition de Rasmané Zinaba, Bassirou Badjo, tous membres du Balai Citoyen, et du journaliste Issaka Lingani. Et d’autre part, la libération de Anselme Kambou et de Me Guy Hervé Kam.

“Il est temps que cela cesse ! Car, quand bien même serions-nous en situation de guerre, il importe de ne point en tirer prétexte mais plutôt, de veiller à ce que ne soient point remis au goût du jour, les pratiques des régimes d’exception d’antan, contre lesquelles le peuple burkinabè s’est vaillamment battu”, martèlent les signataires de la déclaration.

Selon eux, ces pratiques peuvent avoir un impact sur les appels à l’union dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

“Avec de telles pratiques, suscitant rancœurs et aiguisant des sentiments de haine et de vengeance, les appels à l’union des forces des filles et fils du Burkina pour lutter contre le terrorisme risquent hélas d’être et de demeurer vains”, indique la déclaration.

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Ces organisations “dénoncent et condamnent la pratique des enlèvements de citoyens” qui, selon elles, ouvre la voie à toutes les dérives possibles.

Par ailleurs, elles appellent “instamment le gouvernement à procéder à la libération sans délai ni condition de toute personne illégalement arrêtée et arbitrairement détenue au regard de la loi”. Et à faire proscrire définitivement la pratique des enlèvements de citoyens et de leur détention illégale.

L’appel de ces organisations va également à l’endroit des acteurs de la justice. Ces derniers sont encouragés à “enregistrer et traiter sans faiblesse, toute plainte pour enlèvement et détention arbitraire de citoyens”. Et ce n’est pas tout.

Elles lancent un appel à leurs militants et sympathisants. “Toute personne soucieuse du respect des droits humains” est invitée à “se mobiliser contre les enlèvements, détentions arbitraires et disparitions forcées de citoyens et pour la préservation des libertés démocratiques chèrement acquises”.

Lire aussi | Procès sur le référé-liberté de Me Guy Hervé Kam : Le Tribunal administratif ordonne sa libération 

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