Le Sénégal avance, depuis quelques jours, comme un bateau ivre, vers un avenir incertain. Le chef de l’Etat, Macky Sall, pratiquement en fin de mandat, n’a visiblement pas envie de se décoller du fauteuil présidentiel. Il a décidé du report du scrutin initialement prévu le 25 février. Et cela a été entériné par ses supporters à l’Assemblée nationale. L’élection présidentielle est désormais projetée pour le 15 décembre 2024. La tension monte de plus en plus, comme pour dire à Macky Sall, « fais gaffe ! ». Des manifestations monstres sont organisées dans tout le pays pour protester contre ce que certains qualifient de « coup d’Etat civil » ou « coup d’Etat constitutionnel ». La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui vient de prendre une déculottée avec le retrait, brusque et fracassant, du Burkina Faso, du Mali et du Niger de ses instances, essaie de sauver la face. Elle a produit un communiqué ce 6 février, appelant la classe politique sénégalaise à s’investir pleinement « pour rétablir le calendrier électoral ».
La Cédéao, après avoir plaidé, dans un premier communiqué, pour qu’une nouvelle date soit trouvée pour le scrutin présidentiel, sans pour autant condamner la décision de Macky Sall de « prolonger son bail » sous prétexte d’une crise institutionnelle, semble se donner bonne conscience en demandant, cette fois, le « rétablissement du calendrier électoral ». Un peu comme si elle est en train de dire qu’il faut que le scrutin se tienne le 25 février comme prévu. « La Commission de la Cédéao encourage, de toute urgence, la classe politique à prendre les mesures nécessaires pour rétablir le calendrier électoral conformément aux dispositions de la Constitution du Sénégal », indique le communiqué publié cet après-midi. Elle ajoute même qu’elle « prendra toutes les mesures nécessaires pour encourager le gouvernement et le peuple sénégalais à préserver la tradition démocratique au Sénégal ». Et qu’il est impératif de « s’abstenir de toute déclaration qui pourrait aller à l’encontre des dispositions de la Constitution ».
La situation est en effet critique. Le modèle démocratique sénégalais est en train de perdre des plumes. « En ces temps difficiles pour le pays et la région, la Commission lance un appel à toutes les parties prenantes pour qu’elles renoncent à la violence et à toute action susceptible de troubler davantage la paix et la stabilité du pays ». Message pressant également à l’endroit des forces de l’ordre, quelque peu débordées depuis le début des manifestations. La Commission de la Cédéao les exhorte à « faire preuve de la plus grande retenue et à protéger les droits fondamentaux de tous les citoyens ».
Le principal opposant, Ousmane Sonko, englué dans des déboires judiciaires orchestrés, selon ses partisans, par le pouvoir de Macky Sall afin d’empêcher sa participation à la présidentielle, est entre les barreaux. Son parti avait finalement trouvé une alternative, désignant l’une des figures de proue du Pastef, Bassirou Diomaye Faye, pour le scrutin. Mais la ferveur populaire en faveur de l’opposition semble avoir piqué au vif le chef de l’Etat en fin de mandat. Il a ainsi décidé de s’offrir un petit bail supplémentaire au palais présidentiel. Sauf que depuis quelques jours, son fauteuil vacille. Et ça ne fait pas bon signe.