A la UneSociété et Culture

Caution, avance et commission : le calvaire des locataires de maison à Ouagadougou 

Dur dur de se trouver un toit sans trimer. Mais pour vous “faciliter” la tâche, des agents immobiliers communément appelés “démarcheurs” offrent leurs services. Lorsqu’ils repèrent une maison libre répondant aux critères du client, ce dernier est invité à la visiter. Première étape du processus. La visite coûte la somme forfaitaire de 2000 FCFA. Au cas où l’état de la maison vous satisfait et que vous êtes preneur, vous devez vous acquitter de certaines conditions. Les prix des loyers varient en fonction de l’état de la maison, son emplacement (quartier) et de son accessibilité. Tout compte fait, il vous faudra prévoir la part du “démarcheur”. Et c’est là où le bas blesse parfois. Pour comprendre les choses, une équipe de 24heures.bf est allée à la rencontre de différents acteurs de la chaîne. Constat. 

« Nouvelle construction disponible à Wemtenga vers la caisse populaire, à 50 mètres du goudron. Chambre/salon spacieux. Douche/WC internes, cuisine interne. Plafonnée, carrelée, vitrée, ventilée. Eau et électricité séparés. Cour commune de cinq portes. Loyer : 50 000 FCFA. Conditions : trois mois de caution, un mois d’avance, un mois de commission. Visite : 2000 FCFA.”

Si vous êtes candidat à la location d’une maison, vous avez certainement déjà vu ce type d’annonce sur le réseau social Facebook. Ou, on vous l’a peut-être déjà transmis par WhatsApp. Trouver une maison à louer à Ouagadougou relève d’un parcours de combattant. Et c’est là qu’interviennent les démarcheurs. Mais dès lors que ceux-ci vous trouvent une maison, vous devez remplir les conditions ci-dessus citées. Certains clients peinent à s’acquitter de cette commission. Ils la jugent assez élevée. Mais, le démarcheur lui, a ses raisons. Et il se défend.

Roland Didier Kagambèga et Emmanuel Gouba sont des “démarcheurs”, que dis-je, des agents immobiliers. M. Kagambega, lui, ne digère pas l’appellation démarcheur. Selon lui, ce sont deux termes distincts. Auparavant, Roland Didier Kagambèga évoluait dans la filière anacarde au Ghana. Mais depuis l’avènement de la COVID-19, ses activités sont en suspens. Le voilà donc reconverti en agent immobilier à Ouagadougou puisqu’il lui faut bien nourrir sa famille et gérer ses besoins quotidiens.

Arsène G. Dabiré, Directeur des Affaires juridiques et du contentieux du Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat

Selon lui, les gens en veulent à tort aux démarcheurs. Car, sur la commission équivalant à un mois de loyer qu’ils perçoivent chez le client, 50% reviennent à l’agence immobilière avec laquelle ils collaborent, précise-t-il. Le reste est partagé entre les démarcheurs qui ont trouvé le client. “Il peut arriver que nous soyons quatre ou cinq personnes, voire plus sur une même maison”, confie-t-il. Et il poursuit que chacun doit y avoir sa part.

Quand c’est une vente de parcelle, là, c’est pire !”, se lamente-t-il. Il peut y avoir dix à vingt démarcheurs sur le même terrain. “Nous nous soutenons mutuellement selon le degré d’implication de chacun”, déclare M. Kagambèga. Pour lui, les démarcheurs ne sont pas des salariés travaillant sous la coupe des agences immobilières. “Ils sont juste des partenaires dont le revenu se limite à la commission”, souligne-t-il.

De la collaboration avec les agences immobilières 

Hamado Sana est gérant d’une agence immobilière dénommée Abra Immobilier. Il évolue dans la location et la gestion des maisons, la décharge et la vente des parcelles. De son avis, la part de commission que perçoivent les agences se justifie par diverses raisons. Quand une maison leur est confiée, elle est à leur charge. Mais s’il arrive qu’un locataire fasse des dégâts dans la maison et déménage par la suite en prenant le soin de consommer sa caution, les frais de réparation incombent à l’agence. “Il peut y avoir des pannes au niveau des sanitaires, des factures d’eau impayées ou des redevances pour les cas des compteurs d’électricité cash power. C’est à l’agence de gérer tout ça”, explique-t-il. “Il m’est déjà arrivé de payer plus de 400 000 FCFA de factures d’eau”, a-t-il souligné. En plus de la commission, l’agence perçoit 10% du loyer de chaque maison à la fin du mois.

Si la maison n’est pas affiliée à une agence et que le démarcheur traite directement avec le bailleur, toute la commission lui revient. Dans ce cas, l’équivalent d’un mois de loyer n’est plus exigé. La commission est donc payée sur la base d’une entente entre le démarcheur et le client. Expliquent les démarcheurs. “Et là, il nous arrive de prendre 50%, 25%, etc.

Concernant les maisons dont le coût de la location est élevé (entre 500 000 et 2 000 000 de FCFA), la commission est négociable également. Ce sont parfois des maisons équipées ou d’un certain luxe. Ces types de maisons sont généralement louées par des étrangers, des représentations d’institutions internationales ou des ONG. Et le démarcheur s’en tient à ce que dit la loi dans le pays d’origine du client. Le législateur, au Burkina Faso, n’ayant pas, selon lui, légiféré sur la commission. Il ya des pays par exemple où la commission est de 5% du montant total à payer par le client (caution + avance), explique-t-il.

Pour Hamado Sana et ses collaborateurs, il y aura toujours des plaintes et pas seulement pour les commissions. Ils estiment que les clients eux-mêmes participent à la flambée des prix des loyers car tout le monde veut habiter au centre ville. La demande dépassant l’offre, bonjour donc la spéculation.

Pour ce qui est des 2000 FCFA de la visite, ce n’est pas non plus chaque fois que la somme est perçue par le démarcheur. “Si le client doit visiter plusieurs maisons dans la même zone, nous lui faisons un forfait”, explique notre interlocuteur. Cette somme est également partagée entre la personne qui détient les clés de la maison (50%) et les démarcheurs qui accompagnent le client.

Le sieur Roland Kagambèga se dit par ailleurs déçu que les gens ne cherchent pas à obtenir la bonne information. “Ils se contentent de rester dans leur coin et de nous juger. Et c’est bien dommage”, regrette-t-il. Il souligne en outre qu’il arrive des moments où ils peuvent passer une semaine entière, voire plus, sans avoir de client. Il arrive également qu’un client prenne des engagements et disparaisse sans laisser de trace.

Se prononçant sur les prix des loyers, les démarcheurs s’érigent en défenseurs des propriétaires de maisons. Ils estiment que les coûts des terrains sont devenus excessifs. Que dire du ciment, du fer ou des autres matériaux de construction ! “Comment voulez-vous que quelqu’un paie un terrain à 25 millions, y construise des maisons à hauteur de 35 millions pour mettre en location une maison à 30 000 FCFA par mois ? Quand va-t-il rentabiliser ?, s’interrogent-ils.

Combattre les brebis galeuses

Certains clients négocient au rabais le coût du loyer avec les démarcheurs. “A ce niveau, précise M. Gouba, nous ne pouvons rien faire car ce n’est pas nous qui fixons le prix. Nous ne pouvons donc ni le diminuer, encore moins l’augmenter”. “Nuance”, rétorque son collègue Kagambèga. Il ya quand même des brebis galeuses dans le milieu. Il nous explique avoir eu une fois à faire à deux jeunes démarcheurs qui ont voulu arnaquer leur client. La maison était mise en location à 130 000 FCFA et ils ont fait croire au monsieur que le loyer était de 150 000 FCFA. Histoire de prendre leur surplus de commission et disparaître dans la nature.

Des agences augmentent également les coûts des loyers à l’insu des propriétaires. Les démarcheurs se rappellent d’une maison confiée à une agence mais qui est restée inoccupée pendant sept mois. Les clients trouvaient le loyer trop cher (130 000 FCFA). Le bailleur, lui, ne demandait en réalité que 100 000 FCFA. Il a fallu que le fils de ce dernier voit des publications sur Facebook concernant la maison pour enfin comprendre. Le propriétaire va ainsi retirer la gestion de sa maison à l’agence.

Seydou Ouattara, professeur de Mathématiques dans un établissement de la place, reconnaît que les coûts des loyers ont flambé ces dernières années. “Il y a dix ans, vous pouviez avoir une bonne maison de deux chambres et un salon à 40 000 FCFA. De nos jours, il vous faut débourser le double de cette somme, voire plus, pour la même maison”. Et c’est de la même manière que les commissions des démarcheurs sont passées aussi du simple au double.

Il se rappelle que sous le règne du Président Blaise Compaoré, les fonctionnaires avaient demandé une augmentation de salaires. Les démarcheurs ont, eux aussi, suivi la vague en augmentant leurs tarifs. M. Ouatara se demande cependant sur quelle base ces derniers fixent leurs prix. “Tout comme les démarcheurs, les bailleurs augmentent aussi les coûts du loyer quand ils veulent sans être inquiétés”, fait-il remarquer. “Jusqu’à quand va-t-on évoluer ainsi?”, questionne-t-il. Avant d’ajouter qu’il faut une réglementation en la matière.

Les autorités doivent, selon lui, chercher à harmoniser les coûts car cela a une incidence notable sur la bourse des citoyens. “Si les gens payaient normalement leurs impôts et taxes, ils n’effectueraient pas certaines augmentations de coûts. Car plus tu augmentes les coûts, plus tu payeras au niveau des impôts”, explique-t-il.

Que dit la loi par rapport aux démarcheurs et leurs commissions ?

Si M. Ouattara estime qu’il faut une réglementation du système, Arsène G. Dabiré lui, rassure que des dispositions existent en la matière. Il est le directeur des affaires juridiques et du contentieux (DAJC) du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat. La loi existe, dit-il, “même si son application paraît timide”. “Elle demeure une réalité dans l’ordonnancement juridique du Burkina Faso”. Cependant, relève le DAJC, son application est du ressort de tout citoyen en position de locataire ou de bailleur. “Certaines personnes font écho de la loi en sollicitant copie, ne serait-ce que dans le cadre d’une action judiciaire. On peut donc estimer qu’elle trouve application”, affirme-t-il.

Concernant les démarcheurs, ils sont, selon M. Dabiré, des intermédiaires de commerce et leur activité est légale. Il ajoute que la commission perçue par le démarcheur est aussi légale. Mais à condition qu’il soit identifié comme intermédiaire de commerce, avec un numéro RCCM. “En ce moment, il revêt, dit-il, la qualité de commerçant. Il est de ce fait soumis aux règles applicables aux commerçants. Il doit donc payer correctement l’impôt et se soumettre aux autres règles applicables à sa profession”.

Selon M. Dabiré, dans la mesure où le démarcheur travaille avec une agence immobilière existant légalement, cette agence doit pouvoir dire en quelle qualité il agit pour elle. Cependant, prévient-il, il n’est pas exclu que le démarcheur agisse dans l’illégalité totale. Sur le pourcentage d’un mois de loyer perçu par le démarcheur et dont 50% sont reversés à l’agence immobilière, M. Dabiré est formel : “Dans l’hypothèse où il agirait en tant qu’employé ou mandataire de l’agence, il n’est pas exclu que l’agence s’octroie 50% de la commission”, dit-il. Le plus important étant de savoir qui est le démarcheur vis-à-vis de l’agence.

Encadré :

Ce que dit la loi sur le bail d’habitation au Burkina Faso 

Le bail d’habitation privée au Burkina est régi par la loi n°103-2015/CNT du 22 décembre 2015. Cette loi fixe, à travers ses textes d’application, notamment l’arrêté n°2019- 0026/MUH du 5 avril 2019 portant référentiels des valeurs, des coûts de réalisation des immeubles destinés au bail d’habitation privée, le montant du loyer en tenant compte de la valeur locative annuelle. Le coût du loyer est plafonné à 7% du coût de réalisation de l’immeuble à louer.

Si cette disposition n’est pas respectée, le locataire peut saisir la justice. Et requérir du tribunal, une indemnisation qui correspond au préjudice subi.

Tous les trois ans, un nouveau référentiel des valeurs des coûts de réalisation est arrêté par le ministère chargé de l’Habitat.

Autre aspect important : un contrat de bail entre le propriétaire de l’immeuble et le locataire doit être constaté par écrit.

2 commentaires

  1. Bonjour. Pourriez-vous me mettre en contact avec Roland Didier Kagambega. C’est un ami de la fac que je cherche depuis un moment.
    Merci de votre aide
    Je suis au 76490909

  2. Bonjour,
    C’est le laisser aller de l’existence de ces gens dites démarcheur qui a rendue l’inaccessibilité à avoir une location à Ouagadougou sans bronché ! À mon humble avis ces démarcheur n’ont pas leur raison d’être, c’est du laisser aller , ils auront pu trouver autre à faire que de se servir d’intermédiaire qui se termine souvent en escroquerie ! Je souhaite que nos Chers Autorités penchent leurs regards sur ce domaines qui a longtemps durer et fatigué la population, et qui par moment dû à la volupté du gain certains démarcheur ont loger des individus sans chercher à savoir….
    Brefs sur ce sujet de démarcheur et de location, je penses qu’il faut que ça cesse et que certains cherche au travail que ce lui ci!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page