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Burkina : Il y a 58 ans, le pays a vécu sa première insurrection populaire

Élu en 1965 avec un score à la Soviétique (99,97% des voix), le tout premier Président de la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) ne régnera que quelques mois après son élection. Un soulèvement populaire, émaillé de revendications syndicales, a eu raison de cet homme qui a proclamé l’indépendance du pays, le 5 août 1960. C’est la première insurrection populaire au Burkina.

3 janvier 1966. Il y a 58 ans, une insurrection populaire a renversé le Président Maurice Yaméogo. Ce premier Président post-indépendance ne terminera pas son mandat. Il venait cependant de triompher des urnes. 

Dès l’entame de son mandat, le pays est confronté à des difficultés économiques. Maurice Yaméogo adopte alors une politique d’austérité budgétaire pour se sortir d’affaires.  Ainsi, le régime décide du blocage des avancements des fonctionnaires pendant deux ans. Il réduit également les allocations familiales. Les salaires subiront de même une réduction de 20%.

Le premier Président de l’actuel Burkina Faso, Maurice Yaméogo/@Ph.d’archives

 Le président Maurice Yaméogo avait également supprimé les subventions des écoles privées. 

Pendant que ces mesures économiques sont prises pour “sauver”, dit-on, l’économie du pays, Maurice Yaméogo, lui, est accusé de s’être rendu au Brésil pour célébrer son deuxième mariage avec Nathalie Monaco, la « Miss Côte d’Ivoire ».

Ces mesures ne rencontrent pas l’assentiment du monde syndical qui décide d’organiser des manifestations. 

Les centrales syndicales et syndicats autonomes avaient cependant été dissous en mai 1964. Mais fin décembre 1965, ils se rassemblent à travers un front intersyndical présidé par Joseph Ouédraogo.

L’objectif est de faire bloc face aux mesures jugées impopulaires prises par le gouvernement.

Alors que la loi de finances exercice 1966 est en discussion à l’Assemblée nationale, les syndicats adressent une lettre au Chef de l’État. Sans suite. Une seconde lettre subira le même sort. 

La loi est finalement adoptée. Le régime et les syndicats sont éloignés à jamais. Un meeting est organisé le 31 décembre 1965 à la Bourse du travail pour dénoncer ces mesures. Ce meeting, interdit par le gouvernement, sera dispersé par les forces de sécurité. 

Dans une adresse à la Nation à l’occasion du nouvel an, Maurice Yaméogo menace de sanctionner les syndicats. Ces sanctions n’excluent pas un licenciement collectif de fonctionnaires. Il décrète  par ailleurs l’état d’urgence, le 1er janvier 1966.

 De leur côté, les syndicats annoncent une grève générale le 3 janvier 1966. Les deux plus grandes villes du pays, Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, sont paralysées par une foule d’environ 50 000 personnes. 

Les structures syndicales ne reculent pas face aux mesures sécuritaires mises en place par le pouvoir.

Les rapports du régime avec les autorités religieuses du pays n’étaient pas des meilleurs. Toutes les classes sociales avaient des revendications par rapport à la gestion du pays.

Conséquence : les syndicats seront rejoints par la chefferie coutumière et des leaders religieux.

Les heures du régime sont comptées. Mot d’ordre : “Pain, eau et démocratie”.

Les Forces de l’ordre sont débordées face à la foule. La situation fragilise le pouvoir en place. Une aubaine pour l’Armée qui affirme prendre ses responsabilités. 

Le Chef d’État-Major Général des Armées, le Lieutenant-colonel Sangoula Lamizana, se proclame Chef de l’État. Ainsi, Maurice Yaméogo rend sa démission. 

Ph. d’illustration

Les syndicats célèbrent chaque 3 janvier, un événement qu’il juge historique. Des conférences sont organisées pour rappeler les faits. 

58 années après… 

Le 58e anniversaire de la première insurrection au “Pays des Hommes intègres” intervient dans un contexte de crise entre le régime de Transition et les structures syndicales. 

Et pour cause, un meeting annoncé le 31 octobre 2023 a dû être suspendu, à la demande de l’autorité communale. 

Des leaders syndicaux et de la Société civile ont été réquisitionnés pour le front, après l’annonce de ce meeting. D’autres ont reçu des menaces de mort de la part de certains citoyens qui se proclament “soutien au régime du Capitaine Ibrahim Traoré”. 

La rencontre annuelle entre l’Exécutif et les syndicats a été, par ailleurs, reportée. Elle était prévue le 7 novembre 2023.

Les organisations syndicales ont souhaité, la veille, que la rencontre soit reportée. Raison invoquée : le contexte marqué par des « atteintes » à la liberté d’expression n’est pas favorable à une telle rencontre. 

Dans une correspondance adressée aux Secrétaires généraux des centrales syndicales et des syndicats autonomes, le 7 novembre, le ministre de la Fonction publique dit en prendre acte.

Lire aussi | Demande de report de la rencontre gouvernement/syndicats : Le ministre Bassolma Bazié « prend acte »

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