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Burkina Faso/Lutte contre le terrorisme : “Il y a des complicités au sein de notre Armée” (Capitaine Ibrahim Traoré)

Le Président de Transition, le Capitaine Ibrahim Traoré, s’est prononcé ce 26 avril sur la situation sécuritaire au Burkina lors d’un entretien accordé à la télévision nationale. Des avancées notables existent, dit-il. Des défis également à relever. Il confie par exemple qu’il y a des complices au sein de l’Armée.  

La principale préoccupation des Burkinabè aujourd’hui est la sécurité. Le gouvernement a également fait du sujet sa priorité numéro 1. La question de la lutte contre le terrorisme a occupé une place importante lors de l’entretien accordé par le Chef de l’Etat à la télévision nationale ce vendredi.

Le Capitaine Traoré estime que le terrorisme au Burkina bénéficie d’une complicité interne. Des terroristes venus de l’étranger ont réussi à passer par l’aéroport pour après mener des attaques sur le territoire, a-t-il indiqué.

“Imaginez qu’ils sont passés par l’aéroport avec la complicité de quelqu’un. Parce qu’ils ont fourni tout le renseignement”.

Des enquêtes ont démarré ce jeudi, dit-il, pour retrouver les complices.

Dans l’armée, le Capitaine Ibrahim Traoré note également des complicités. Il y a parfois “des fuites d’informations et beaucoup d’autres choses”.

“Sans la complicité, c’est difficile que les ennemis soient renseignés. Donc, même dans nos villes ici, certains sont là, des terroristes, qui renseignent sur tous les mouvements, tout ce qui se passe”, a-t-il déploré.

Et ce n’est pas tout. Dans les villages également, les complicités ne manquent pas. Certains, selon le Chef de l’Etat, ont commencé à comprendre. Et à se désolidariser des groupes terroristes.

Complicité également au sein des Hommes de la presse. Il y a, dit-il, des médias étrangers qui diabolisent l’armée burkinabè. Ils inventent, selon lui, du mensonge qu’ils racontent avec des complicités internes.

“Malheureusement, il y a des individus ici pour 2000-3000 euros, ils sont prêts à écrire du n’importe quoi, à envoyer là-bas. Et vendent leur patrie. Ce sont des ennemis de la nation ”, a-t-il déploré.

Il invite ainsi la presse locale à jouer sa partition dans la lutte contre le terrorisme.

“Aujourd’hui,.nous pouvons contenir la menace terroriste”, indique le Capitaine Traoré.

Et cela, le pays le doit aux nouvelles acquisitions en matière d’armements. Le Chef de l’Etat entend continuer dans cette dynamique car, dit-il, “on n’est même pas à 15% de ce que nous souhaitons”. Il annonce ainsi l’arrivée prochaine de nouvelles acquisitions en armements.

@DR

“On vient de très loin et il faut se préparer de sorte que les générations à venir ne connaissent pas cette situation”, a-t-il lancé.

Comme dans plusieurs de ses sorties médiatiques, le Capitaine Traoré a fustigé l’“impérialisme” qui, dit-il, a préparé “nos armées pour pouvoir maintenant envoyer le terrorisme, déstructurer nos Etats et nous exploiter”. L’acquisition de matériel adéquat est, selon lui, la réponse adaptée. Il rappelle ici des périodes où les Forces burkinabè étaient obligées de fuir devant l’ennemi, par manque d’équipement adéquat.

“Du fait du manque d’équipement, l’armée avait perdu un peu le visage. Et vous voyez que les terroristes se plaisaient à filmer les militaires en train de courir. Ils partent galvaniser leurs combattants avec cela, les recruter et les mettre moralement au top pour combattre. Aujourd’hui, nous voulons équiper l’armée pour que les soldats reprennent confiance. Lorsque le soldat sort, il doit avoir confiance”, a-t-il expliqué.

Avec le minimum que les Forces burkinabè ont aujourd’hui, poursuit-il, elles font des exploits.

“Nos Forces de défense et de sécurité (FDS) n’ont pas peur d’aller vers l’ennemi. Donc nous allons continuer de fournir des efforts pour mieux nous équiper”, a-t-il ajouté.

Autre avancée selon le Président : le renforcement des effectifs des FDS et VDP. Par exemple, la 4e vague de Volontaires pour la défense de la patrie ( VDP) nationaux est sortie cette semaine. Ils sont, au total, 1255 combattants, prêts pour la défense de leur pays.

Selon le Capitaine Traoré, équipement et recrutement vont de pair.

“Vous avez remarqué que nous nous trompions énormément. Ce que nous constatons, ce n’est pas ce qu’on imaginait. Les terroristes sont nombreux et aujourd’hui, il faut le reconnaître, il y en a beaucoup qui viennent de l’étranger pour combattre au Burkina. Dans le rang des terroristes, il y a des mercenaires”, a-t-il confié. Pour faire face à cette situation, le Capitaine Traoré entend procéder à des recrutements.

“Il faut qu’on recrute conséquemment pour mailler notre territoire”, dit-il.

Et ce n’est pas tout. Le Chef de l’Etat dit être également dans une dynamique de réorganisation de l’armée.

Ph.d’illustration

“La première phase, c’était la mise en place de ces unités organiques et combattantes, les bataillons d’intervention rapide pour reprendre et contenir la menace. Lorsque nous avons fait l’évaluation, il fallait ce genre de force pour contenir la menace”, a-t-il soutenu.

Là, des avancées notables sont à relever, dit-il. Dans ce cadre, des bataillons d’intervention rapide ont été formés. Mieux, ils ont été équipés. D’autres réorganisations sont également en vue.

D’autres types d’unités seront également créés.

“Nous allons réussir à vaincre le terrorisme”, a-t-il rassuré.

Défis

Lors de son séjour à Banfora (région des Cascades), le 23 avril dernier, le Chef de l’Etat avait invité les “Boys” à “se préparer pour la guerre à haute intensité”.

Il annonce, dans ce cadre, la réorganisation des Forces de défense de sécurité.

“Le terrorisme sera vaincu. Ces criminels qui se baladent à moto seront vaincus. Mais il faut se préparer à d’autres types de guerres. Il y a la menace partout, que ce soit autour (de nous) ou la menace qui peut venir de loin. Dans ce cadre, c’est une guerre conventionnelle qui peut durer. Il faut se préparer à une guerre de haute intensité. Il faut pouvoir combattre dans le temps et tenir sur le terrain pendant très longtemps. C’est un autre mode de combat. Il faut se préparer à cela. Les forces, les différents corps vont avoir un programme d’entraînement”, a-t-il ajouté.

Selon lui, si le terrorisme a la peau dure, c’est du fait de l’implication des étrangers. Faut-il le rappeler, les premières attaques au Burkina étaient menées par des terroristes venus de l’étranger. Des acteurs locaux vont par la suite s’enrôler au sein des groupes armés terroristes.

Le Burkina est, selon le Capitaine Traoré, le cœur de la cible terroriste.

“On cherche à broyer le cœur pour faire peur aux autres. Donc nous sommes ceux-là qui devons accueillir le maximum (de terroristes). Voilà pourquoi on se prépare conséquemment. Ce n’est pas un phénomène nouveau. On s’attend à cela et on s’attend à pire que ça”, a-t-il lancé.

La reconquête du territoire national se fait par zone : “On ne communique pas beaucoup sur certaines choses, mais c’est zone par zone. Il y a des zones où on a mis beaucoup d’efforts qui sont presque à 100% conquises. Il y a des zones aussi où on est en train de remettre l’effort. Petit à petit, nous allons reconquérir toutes les portions du terrain. Il faut conquérir et savoir comment consolider”, a-t-il expliqué.

Officiers défaillants 

Selon le Président de la Transition, si les attaquent persistent malgré l’équipement, y compris les vecteurs aériens, et le personnel déployés, cela est dû, à certains endroits, à un problème de commandement.

“Il faut reconnaître que certaines positions où les chefs d’éléments ne sont toujours pas au sérieux (…) certains ne sont pas concentrés”, a-t-il lâché.

Selon lui, la présence des drones ne signifie pas que les hommes sur le terrain doivent dormir.

Il s’étonne que des attaques soient menées en pleine journée, à la surprise des unités sur le terrain. Cela malgré la présence des appareils volants.

“Comment avez-vous pu être surpris ? Il y a un problème. Ce n’est pas parce qu’il y a des drones qu’il ne faut plus avoir de guetteurs ou qu’on ne prend pas toutes ces précautions. Ce sont des choses qu’il faut corriger et nous sommes là-dessus. Ce sont des choses qui entachent la lutte. Et il faut corriger”, a-t-il indiqué.

Et d’ajouter : il ne faut pas que les gens baissent la garde croyant que c’est fini. Il faut rester concentré. Il y a en permanence des drones dans l’air, dit-il.

Il invite ainsi les hommes sur le terrain à ne pas tarder à donner l’alerte. Certains arrivent à le faire. Il cite ici Djibo, Toeni et Djigouè. Toutefois, déplore-t-il, il y a certaines positions lorsque vous entendez qu’ils sont attaqués, on est déjà sur le feu.

Un centre de commandement de drones/@PF

À ce sujet, des officiers ont été radiés des effectifs de l’armée. C’est le cas du Capitaine Aboubakar Sidiki Barry, Commandant de compagnie au 34e Régiment interarmes (34e RIA) basé à Fada N’Gourma, début avril 2024.

“Lorsqu’on vous confie des hommes, la vie des hommes est entre vos mains. Vous devez les commander et prendre toutes les mesures pour qu’ils puissent combattre et vaincre. Il peut arriver que vous combattiez jusqu’à épuisement de vos moyens, ça peut arriver. Là, vous êtes mort en héros. Mais lorsque l’officier ne prend pas toutes les mesures pour que ses hommes puissent combattre (c’est de sa faute, NDLR)”.

Il mentionne ici des cas où des bases de l’armée ont été alertées sur de probables attaques à certains endroits. Et c’était à l’officier de mettre en place un dispositif de riposte.

“Cela veut dire qu’il faut guetter. Ce sont des cours que les officiers reçoivent à l’école. Le poste d’observation, le poste de guet, tout le monde l’apprend. C’est l’officier qui doit placer ses hommes à une bonne distance de sa base pour l’alerter quand on voit l’ennemi venir. L’ennemi pousse souvent ses motos. Tu dois avoir un dispositif qui te permet de te renseigner. Et c’est à partir de ce moment que vous vous alertez à l’arrière. Aujourd’hui, toutes les positions ont au minimum deux moyens de communication, sinon trois. Et on a fait en sorte que toutes les positions soient en liaison directe avec le pilote des drones. Donc ils n’ont pas besoin de passer même par leur chef pour appeler le drone et dire je vois ça, venez traiter”, a-t-il expliqué.

L’organisation du terrain et le camouflage (OTC) revient, selon le Capitaine Traoré, à l’officier.

Si ce dernier ne fait rien après une alerte, il est responsable des conséquences.

Depuis un bout de temps, précise-t-il, les attaques se déroulent la journée. Il cite par exemple les attaques de Djibo, dans la région du Sahel; Tawori, dans l’Est et celle de Sangha dans le Centre-Est.

“L’attaque de Sangha le 23 avril dernier a eu lieu en pleine journée. Il y a des choses qui font mal. Donc quand les pilotes apprennent que les terroristes sont à côté, à 15 ou 20 kilomètres, et qu’on ne les alerte pas… Et vous-vous faites surprendre en pleine journée. Comment peut-on expliquer cela ? C’est une faute grave. Vous avez sacrifié vos hommes. Un officier, il ne dort pas, il se repose. Mais vous n’avez pas le droit de dormir. Et tout ce que vous commandez aux hommes de faire, ils vont le faire. Si l’homme n’exécute pas, vous le punissez. Jusqu’à la radiation”, a-t-il rappelé.

Le Commandement est une lourde responsabilité, affirme le Chef de l’Etat.

“Les gens doivent se réveiller (…) Nous avons connu beaucoup de cas semblables. Personne ne peut être plus soucieux de vos hommes que vous, l’officier sur le terrain”.

Ceux qui veulent quitter l’armée peuvent le faire. Une note du ministère de la Défense a été prise à cet effet, dit-il. Ou alors s’assumer.

“Lorsqu’un officier ne prend pas toutes les mesures pour protéger ses hommes, il s’agit d’une trahison. Lorsque les mesures ne sont pas prises, on va vous radier, vous n’allez pas sacrifier inutilement les enfants des gens”.

À la question de savoir si ces radiations n’auront pas d’impact sur la cohésion du groupe, le Capitaine Traoré rétorque : et la mort des pauvres soldats ? Cest plutôt, selon lui, la mort des soldats qui porte atteinte à la cohésion.

“La guerre ne se fait pas dans le laxisme, cela se paie cache”, a-t-il déclaré.

Alliance des États du Sahel

En termes de coopération au sein de l’Alliance des États du Sahel dans la lutte contre le terrorisme, le Chef de l’état burkinabè affirme que plusieurs actions concrètes ont été menées.

“Nos armées sont devenues une. Les armées du Niger se retrouvent à exécuter des missions de l’Armée malienne ou de l’armée burkinabè. L’armée burkinabè exécute des missions de celles du Mali ou du Niger et l’armée malienne exécute des missions qu’on leur confie. Cela n’était pas possible”, a-t-il expliqué.

Il existe également, selon lui, une coopération sur le terrain. “Les forces combattent ensemble. Nous réussissons cela dans la bande frontalière avec le Niger. Nos forces combattent côte à côte. Les appuis aériens sont fréquents de part et d’autre. Il n’y a plus de frontières dans le cadre de l’usage des vecteurs aériens”, a-t-il indiqué.

L’objectif est de créer, dit-il, dans un futur proche, une Brigade pour le compte de l’AES.

Elle pourra faire des manœuvres dans l’espace. Des mesures sont en cours pour faire germer la force.

Sur la question des moyens de financement de cette armée conjointe, le Capitaine Traoré estime que les trois Etats sont capables de s’auto-équiper.

Le Président de la Transition estime que le Burkina est aujourd’hui capable de contenir la menace terroriste.

“L’armée a retrouvé sa capacité de combat”, dit-il. Il évoque notamment les moyens en armements, le maillage du territoire ainsi que la réorganisation de l’armée pour la réadapter aux réalités actuelles.

Et il se projette déjà dans l’après-guerre. Il entend travailler à ce que l’armée participe au développement du pays. “L’armée doit occuper un rang de sorte que cette crise ne se répète pas dans l’avenir”.

Elle sera ainsi présente dans certaines structures stratégiques. Mais également dans l’agriculture où elle participera à la production. Elle contribuera également dans l’éducation à travers l’enseignement du patriotisme.

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