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Burkina Faso  : « Les jeunes d’aujourd’hui ne savent pas ce qu’est  la bonne photographie », Paul Kabré, photographe professionnel

La photographie est l’un des domaines qui semble facile mais à la fois complexe. Ayant adopté cette activité comme profession, Paul Kabré vit pleinement de sa passion depuis les années 1973. Ce 8 mai 2023, 24heures.bf est allé à la rencontre de ce mordu de la photographie qui se prépare pour la célébration de ses 50 ans de carrière. 

« Je ne sais pas ce que je peux faire, qui puisse me satisfaire comme faire une photo. Je ne vois pas le temps passer quand je fais des photos », explique Paul Kabré. Curieux et passionné par la photographie depuis son jeune âge, il  obtient son premier appareil photo en 1973 dans les « chaînes avions » à Bouaké en Côte d’Ivoire. Selon lui, cet appareil lui a coûté 1500 f à l’époque. « C’est en 1976 que la femme de mon patron m’offre une caméra instamatic kodac. J’envoyais traiter ces photos en France car le tirage en couleur n’existait pas encore au Burkina Faso », raconte M. Kabré. Reconnu sur le plan national et même international, il  est aujourd’hui une personne ressource dans le domaine de la photographie. 

« J’ai photographié des grandes personnalités historiques »

Paul Kabré a photographié plusieurs hautes personnalités du  Burkina et d’ailleurs. « Le 18 juillet 1984, j’ai photographié le Capitaine Thomas Sankara pour la première fois à  l’occasion de l’inauguration du stade du 4 août, à  Ouagadougou. A l’an 1  de la Révolution, je l’ai aussi pris en photo. Mais  j’ai perdu cette pellicule dans la bousculade ce jour-là. C’est l’un des mauvais souvenirs que je garde  du métier », confie-t-il. 

Premier président du Burkina Faso après les indépendances,  Maurice Yaméogo a également été pris en photo, en 1979, par M. Kabré. Le président rwandais Paul Kagamé n’a pas non plus échappé à l’objectif du photographe. « Lui, je l’ai eu dans les années  1990, quand il est  venu en visite à la SIFA à Bobo-Dioulasso », rappelle-t-il. Il est également parvenu   à regrouper les présidents Saye Zerbo, Sangoulé Lamizana et Jean-Baptiste Ouédraogo dans  une  photo, en 1996. Selon lui, cette photo a été prise à l’occasion de l’ouverture du siège du Médiateur du Faso. 

« J’ai aussi une photo du président Pierre Nkurunziza et du président centrafricain, François Bozizé. J’ai plusieurs fois photographié les présidents Michel  Kafando, Isaac Zida et Roch Kaboré », déclare M. Kabré. « Le président Ibrahim Traoré est le deuxième Capitaine  que j’ai photographié après Sankara. Je l’ai pris à deux reprises. À l’occasion de la passation du flambeau au Mémorial Thomas Sankara et à l’ouverture de la SNC 2023. Je peux être fier car ce jour- là, il n’avait pas masqué son visage », se réjouit-il. 

Outre ces personnalités, Paul Kabré trouve aussi son plaisir en prenant en photo des animaux sauvages et domestiques. Dans ce cadre, il dit avoir été un jour « fauché » par un éléphant en brousse.

Des gratifications à l’international 

Il a remporté  plusieurs prix. En 1999, il a été primé 3ème champion mondial au « Photo festival de Rovillon » en Croatie. « C’est l’œuvre « Tendre mère » qui m’a valu ce trophée. J’avais pris à l’époque une femme noire qui donnait à têter à un enfant blanc. La photo est très expressive. Mais en réalité, l’enfant était un albinos. Cette photo brise la barrière entre la race blanche et la race noire. C’est cela sa particularité », précise-t-il. Aux « National photography awards » aux États-Unis, M. Kabré a aussi hissé  haut le drapeau burkinabè. Il remporte un « Masters » et deux « Prestiges » en 1999 grâce à ses œuvres  « Le marchand de poulet », « Korantin le curieux » et « Nomadisme ». « Nomadisme est une photo des gens que j’ai prise à Bandiagara au Mali », dit-il.  

Un projet sur la diversité culturelle des Hauts-Bassins 

En plus de la photographie, Paul Kabré s’est aussi spécialisé dans la réalisation de reportages audiovisuels. « J’ai réalisé un reportage à succès sur les malades mentaux en 2005. Ce film a tellement marché que j’ai peur de produire un autre qui ne sera pas à la hauteur. Mais je suis en train de préparer un projet sur les Sans domicile fixe de Paris (SDF) », ajoute-t-il. « Avec le Conseil régional des Hauts-Bassins, nous sommes aussi sur un projet de livre. Cette œuvre retrace tout le patrimoine culturel de la région des Hauts-Bassins. En passant par les sites touristiques les plus cachés jusqu’aux mets traditionnels, tout est représenté. Les touristes venant dans cette région auront déjà une large idée de ce qui les attend. Il ne reste que quelques petites corrections pour finaliser le travail », souligne M. Kabré.  L’insécurité dans la région a souvent compliqué son  travail. « Dans certains villages, je me suis rendu à mes risques et périls. Je devais faire la photo d’une forêt. En y allant, plusieurs personnes s’inquiétaient car  il y avait semble-t-il  des hommes armés non identifiés. Mais finalement, je suis parti et il n’y a pas eu de problème », affirme-t-il. 

50 ans de carrière dans la photographie en 2023

Pour ses 50 ans de carrière, Paul Kabré souhaite faire un recueil de l’ensemble des photos qu’il a prises depuis 1973. Il veut également  se consacrer à la formation de la jeunesse. Selon lui, les jeunes d’aujourd’hui ne savent pas réellement ce qu’est la photographie. La photographie, c’est tout une école, dit-il, et il faut d’abord l’enseigner. « Il y a des manières spéciales de prendre des photos. Il ne suffit pas d’avoir un appareil photo pour se proclamer photographe. Former la jeunesse fait partie de mes rêves dans ce domaine », indique M. Kabré.

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