Des publications sur les réseaux sociaux, attribuées à des soutiens du gouvernement, ont particulièrement visé, ces derniers temps, deux membres du Syndicats national des agents des Impôts et des domaines. Elles les accusent de « coup d’état économique et financier ». Des propos du Chef de l’Etat également, tenus à Tenkodogo, le 8 mars, et rapportés par l’Agence d’information du Burkina, ont fortement frustré les organisations syndicales du ministère de l’Economie, des Finances et de la Prospective. Le Président met notamment « en garde certains agents du ministère des Finances qui saboteraient les actions de recouvrement des recettes, parce qu’ils ne sont pas contents de la retenue de 25% sur les fonds communs (primes) pour lutter contre le terrorisme ». Dans une déclaration datée de ce 12 mars, les syndicats protestent contre de tels propos. Et demandent à l’Exécutif de prendre des « dispositions idoines » pour « protéger les travailleurs ».
« Vous partez pour payer vos impôts, ils disent qu’il n’y a pas de réseau. Ils créent le problème. Ok. S’ils m’entendent ou s’il y en a dans cette salle, qu’ils arrêtent. Si ça ne s’arrête pas, on va passer à 100% et puis on va voir s’ils vont travailler ou pas ». Ces propos du Chef de l’Etat, rapportés par l’AIB, frustrent véritablement les syndicats du ministère des Finances. Surtout que les accusations se sont déportées sur les réseaux sociaux, ciblant précisément deux membres du Syndicat national des agents des Impôts et des domaines : Zakaria Bayiré et Yacouba Kientéga, respectivement Secrétaire général du SNAID et Secrétaire général de la Section SNAID du Kadiogo. Ce dernier est également trésorier général confédéral de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B).
« Ces menaces seront par la suite généralisées à l’encontre de l’ensemble des travailleurs des impôts, voire du ministère des Finances », expliquent les syndicats. Ils se sont donc mis ensemble pour protester. Au bas de la déclaration, trônent les signatures des premiers responsables du Syndicat autonome des agents du Trésor du Burkina (SATB), du Syndicat national des agents des Impôts et des Domaines (SNAID), du Syndicat national des agents des Finances (SYNAFI), du Syndicat national des statisticiens et démographes du Burkina (SYNASDB) et du Comité CGT-B de l’Ecole nationale des régies financières.
Et ils tiennent à dire deux choses au gouvernement. « Les problèmes de réseau ne sont pas nouveaux à la DGI comme dans tout le ministère et sont connus des autorités et de tous les usagers des services des impôts. A titre illustratif, en 2023, dans le processus d’élaboration du Plan stratégique 2023-2027 de la DGI, il a été relevé ce qui suit : « Ce réseau (informatique de la DGI) est sujet à de nombreuses perturbations. » « Le système d’information connait régulièrement des incidents dont la résolution nécessite l’acquisition en urgence de matériels et d’équipements. Cependant, il n’existe pas de ligne budgétaire dédiée, ni de procédures exceptionnelles d’acquisition des matériels et équipements informatiques. Toute chose qui retarde la prise en charge des incidents et aggrave leurs conséquences (pertes de recettes entre autres) ».
Arrêtez donc d’imputer le problème aux travailleurs, en substance, les syndicats. Avant d’ajouter ceci : « Il est loisible de constater que le problème de réseau ne se pose pas à la seule DGI en tant que service public de l’Etat ».
Sabotage ? Non ! Les syndicats n’y croient pas. Ils estiment cependant qu’il y a une raison : « Cette accusation est sans doute liée à la faiblesse des recouvrements des impôts du mois de février 2024 au niveau de la DGI. Mais avant de jeter les travailleurs en pâture, a-t-on posé un bon diagnostic de cette contreperformance de la plus grande régie de recettes de notre pays ? Une telle approche aurait le mérite de répondre à certaines questions », disent-ils.
Et voici les questions qui s’enchainent : « Peut-on mobiliser optimalement les recettes fiscales pendant que le MPSR2, depuis son arrivée, a offert d’énormes exonérations fiscales aux entreprises (Cf. loi n°010-2023/ALT du 18 juillet 2023 portant institution de mesures d’incitations fiscales et douanières au profit des petites et moyennes entreprises, loi 038-2023/ALT portant loi de finances rectificatives, exercice 2023, loi 042-2023/ALT du 15 décembre 2023 portant loi de finances, exercice 2024) ? ».
Autre question brandie par les syndicats : « La DGI peut-elle recouvrer, de façon conséquente, les impôts et taxes au moment où beaucoup d’entreprises posent le problème de la dette intérieure liée au non-paiement de leurs factures ? ». Et encore une question : « Peut-on réaliser des recouvrements optimums avec un réseau instable et une insuffisance des installations informatiques ? Comment (par ailleurs) optimiser les recouvrements dans un contexte de morosité de l’économie nationale et de baisse de pouvoir d’achat des travailleurs et des populations ? ».
Les syndicats estiment que la vraie responsabilité incombe au gouvernement. Ils « dénoncent et condamnent de ce fait, « les appels au meurtre proférés contre les travailleurs et leurs familles. Ils osent espérer que les autorités habilitées prendront les dispositions pour investiguer, arrêter et juger les auteurs et complices de ces graves menaces ».
Appel également à communiquer « sur les défaillances du réseau au niveau des directions du ministère afin de lever tout amalgame sur la responsabilité des agents en lien avec ces dysfonctionnements ». En somme, « apporter des solutions définitives à l’instabilité du réseau dans les services ». Parole des syndicats du ministère des Finances !