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Burkina Faso : des organisations appellent leurs militants « à s’organiser pour résister contre l’arbitraire » et contre les récentes réquisitions 

La coalition de syndicats et d’organisations de la société civile qui a appelé les citoyens à participer au meeting le 31 octobre dernier a tenu, ce lundi 6 novembre, à Ouagadougou, une conférence de presse. Objectif : informer l’opinion sur l’évolution de la situation. Ces organisations appellent leurs militants à « rester à l’écoute de tout mot d’ordre que commanderait l’évolution de la situation ».

Face aux journalistes, les responsables des organisations syndicales et de la société civile ont évoqué le climat qui a précédé la suspension du meeting du 31 octobre.

« Dès l’annonce de l’activité, des individus, se proclamant soutiens de la Transition, se sont acharnés sur nos organisations et leurs responsables en proférant à leur encontre de graves menaces (…) à visage découvert. Des appels au meurtre contre les responsables et militants de nos organisations dans l’indifférence totale des autorités de la Transition », déplore le Secrétaire général adjoint chargé de l’information de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), Nicolas Ouédraogo.

Nicolas Ouédraogo de la CGTB (milieu) a lu la déclaration liminaire

Selon ces organisations, le président de la Délégation spéciale (PDS) de la commune de Ouagadougou, Maurice Konaté, qui a demandé de surseoir au meeting », est resté silencieux » face à toutes les menaces proférées contre elles.

Elles déplorent également le fait que « le contexte sécuritaire, évoqué par le PDS, ne gêne nullement les diverses manifestations qu’organisent le pouvoir du MPSR 2 et ses soutiens ».

Elles citent, en exemple, la commémoration de l’insurrection populaire, le 31 octobre 2023, et le meeting du 5 novembre par une Coordination d’organisations de la société civile, proche du pouvoir, afin de demander une prolongation de la durée de la Transition.

« Si tous les citoyens sont égaux devant la loi, il y a là du deux poids deux mesures. Cette gouvernance qui permet aux uns de tout faire et qui bafoue les droits des autres est la source d’aggravation de la fracture sociale », alertent les organisateurs de la conférence de presse.

« Des individus occupent les ronds-points de la commune de Ouagadougou et s’autorisent à contrôler d’autres citoyens (…) Disposent-ils d’une autorisation de la part du PDS Maurice Konaté ? », s’interrogent les conférenciers avant de conclure : « S’il y a une réelle menace qui pèse sur la cohésion sociale et qui interpelle le PDS, c’est bien cette tendance à donner à certains citoyens tous les droits, notamment celui d’occuper illégalement les carrefours et de manifester sans autorisation ».

Ces organisations affirment avoir répondu à une invitation des chefs coutumiers et religieux chez le Mooro Naaba le 27 octobre dernier.

« Ils nous ont demandé de surseoir à notre meeting. Ils ont été soulagés lorsque nous leur avons remis sur le champ une copie de notre communiqué de suspension du meeting », déclarent-t-elles.

Répondre à l’appel des chefs coutumiers et religieux avant de rendre public le communiqué de suspension du meeting est, selon ces organisations, une démonstration de leur attachement à la cohésion sociale.

Plusieurs médias étaient présents

Elles disent avoir traduit, devant les leaders traditionnels, coutumiers et religieux, leur « ferme opposition aux atteintes aux libertés caractérisées par les réquisitions forcées, les enlèvements, les exécutions extra-judiciaires ».

Réquisitions ou sanctions ?

« Malgré la suspension de notre meeting, nos organisations ont constaté avec indignation que le MPSR 2 procède, en ce moment, à des réquisitions massives de citoyens. Cette nouvelle vague de réquisitions d’une douzaine de personnes dont nous avons connaissance, concerne, pour l’essentiel, des responsables d’organisations membres de notre coalition, ainsi que des journalistes, leaders d’opinion et hommes politiques, critiques de la gestion actuelle des affaires du pays « , affirment les conférenciers.

Elles s’interrogent sur « les motivations réelles des initiateurs » de ces réquisitions.

Selon ces structures, le décret portant « mobilisation générale et mise en garde » est utilisé, non pas pour contribuer à la lutte contre le terrorisme, mais pour réprimer toute personne émettant un avis sur la gestion actuelle de notre pays et qui ne rencontrerait pas l’assentiment des puissants du moment ».

« Il faut s’inquiéter de cette dérive du pouvoir du MPSR 2 en ce sens que de telles réquisitions qui visent à faire taire toutes les voix discordantes ne peuvent qu’aggraver la fracture sociale et mettre à mal la cohésion sociale et le vivre ensemble, gages d’une victoire sur le terrorisme », alertent-elles.

Les réquisitions sont, selon ces organisations, une stratégie du régime en place pour « casser la dynamique de la lutte en cours contre l’arbitraire, l’autocratie et la banalisation de la vie humaine ».

« Cette situation est inacceptable. Elle traduit clairement la volonté manifeste du Capitaine Ibrahim Traoré de museler toutes les voix dissonantes et constitue un pas de plus dans la fascisation du pouvoir. Pour nos organisations, les réquisitions émises jusqu’ici ne sont rien d’autres que des abus de pouvoir ».

« Il n’y a pas de catégories de personnes qui devrait être concernée par les réquisitions et d’autres qui ne le sont pas « , estime, pour sa part, Yebani Lankoandé, Secrétaire général de l’organisation démocratique de la jeunesse (ODJ).

Yebani Lankoandé, Secrétaire général de l’organisation démocratique de la jeunesse (ODJ).

Seuls ceux qui émettent des avis critiques vis-à-vis du gouvernement sont, jusque-là, concernés par les réquisitions, dit-il. Selon lui, ces réquisitions ne respectent ni l’esprit de la loi sur la mobilisation générale et la mise en garde, ni sa lettre ni, le besoin de la lutte contre le terrorisme.

Libertés

« Nous rappelons aux dirigeants actuels de notre pays que nos organisations, avec d’autres composantes du peuple burkinabè, ont payé de leur sueur et de leur sang la conquête d’espaces de libertés dans notre pays. A ces espaces-là, nous tenons et tiendrons toujours quoi qu’il advienne », promettent-elles.

Rasmané Zinaba, membre du mouvement « Le Balai Citoyen », est l’une des personnes réquisitionnées. Pour lui, l’élément mis en cause par la coalition est le principe de violation des libertés, et la violation du droit de chaque citoyen de pouvoir porter un jugement sur le pouvoir du MPSR 2. Selon lui, les personnes qui ont dénoncé la restriction des libertés individuelles et collectives sont celles qui sont réquisitionnées au prétexte, dit-il, qu’on a besoin d’eux au front.

Rasmané Zinaba affirme avoir été réquisitionné pour servir pendant 4 mois sur le théâtre des opérations contre le terrorisme. Cette réquisition prend effet à partir du 7 novembre 2023, avec conditionnement dans le Centre-nord et déploiement à l’ouest du pays.

Au cas où ces réquisitions sont maintenues, ajoute-t-il, « nos organisations aviseront sur la conduite à tenir ».

Actions

La coalition d’organisations syndicales et de la société civile « dénonce et condamne, avec la plus grande fermeté, ces réquisitions punitives, et exige du pouvoir du MPSR 2, l’annulation pure et simple desdites réquisitions et la garantie des libertés individuelles et collectives pour tous les citoyens ».

Les différentes organisations qui la composent « appellent leurs militants et sympathisants, les démocrates de notre pays, épris de Justice et de Paix, et l’ensemble du peuple burkinabè à s’organiser pour résister contre l’arbitraire et contre toutes formes de manifestation d’injustices ».

Elles appellent aussi leurs militants à « rester à l’écoute de tout mot d’ordre que commanderait l’évolution de la situation ». Elles n’excluent pas non plus des actions en justice en vue de l’annulation des réquisitions.

Lire aussi |Burkina Faso/Réquisition de citoyens : Le collectif CGT-B appelle ses militants à s’y opposer

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