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Burkina Faso/Assemblée générale des avocats sur l’affaire Guy Hervé Kam : Me Batibié Benao explique…

L’“affaire Me Guy Hervé Kam continue de susciter des réactions. Selon le Tribunal militaire, cet avocat a été cité dans une affaire présumée d’atteinte à la Sûreté de l’État. Le juge d’instruction du Cabinet N°2 du Tribunal militaire a alors décerné, le 28 mai 2024, un mandat d’amener contre Me Kam. Il a ainsi été entendu et mis en examen puis placé en détention provisoire par le juge le même jour “pour des faits de complot contre la Sûreté de l’État et d’association de malfaiteurs”. Dans le cadre de cette affaire, le Bâtonnier burkinabè a convoqué, ce 3 juin, “l’ensemble des avocats à une Assemblée générale extraordinaire”. Ils ont ainsi été nombreux à se rendre à la “Maison de l’Avocat” ce lundi. Dans cette interview, Me Batibié Benao, actuel chargé de l’information et de la communication du Conseil de l’ordre des avocats, revient sur les recommandations faites au cours de cette réunion. 

2heures.bf : De façon concrète, que s’est-il passé lors de cette Assemblée générale ?

Me Batibié Benao : Cette AG fait suite aux événements qui se sont déroulés la semaine dernière, à savoir ce que je considère comme étant le deuxième enlèvement de Me Guy Hervé Kam. Après 128 jours de séquestration dans un lieu inconnu pour le moment, il a été présenté à un juge d’instruction militaire. Lequel a pris à son encontre un mandat de dépôt. Cela après avoir émis, semble-t-il, un mandat d’amener. Au regard du fait que depuis le 25 janvier dernier, jour de son enlèvement, c’était sur la base d’une violation permanente et réitérée de l’article 6 du règlement 05 de l’UEMOA portant “harmonisation des règles régissant la profession d’avocat”, nous avons décidé, au niveau du Barreau, de tenir une Assemblée générale d’information. D’abord pour donner aux avocats l’économie de toutes les démarches qui ont été entreprises depuis le mois de janvier. Tant auprès des autorités politiques, des autorités judiciaires et des instances régionales et internationales d’avocats.

Ph.d’illustration

Ensuite, analyser la situation du dossier tel que nous le connaissons. Mais également au regard de certaines sorties, dont celle du procureur militaire qui a été faite pour que nous puissions savoir ce qu’il est en train de faire exactement au niveau de ce tribunal. C’est donc à titre informatif. Prenant en compte toutes ces informations, les avocats ont tenu une Assemblée générale afin d’analyser la situation et voir ce qu’il y a lieu de faire. En l’espace de 2 à 3 heures, les avocats ont fait des recommandations. Selon nos textes, l’Assemblée générale fait des recommandations et c’est au Conseil de l’Ordre avec, à sa tête, le Bâtonnier, de prendre des décisions. On s’achemine donc vers des décisions qui vont être prises et qui seront portées à l’attention des avocats et, éventuellement, de l’opinion publique. Car, comme vous le savez, l’activité de l’avocat implique, au-delà de l’avocat, des personnes qui ne sont pas forcément avocats. Notamment les justiciables, les juridictions, etc. Ces informations seront portées à la connaissance de qui de droit. Voilà ce qui s’est passé.

De quelles recommandations s’agit-il exactement ?

Il y a eu beaucoup de recommandations d’ordre purement juridique. Il y a eu également des recommandations d’ordre purement professionnel. C’est essentiellement ces recommandations qui ont été faites par l’Assemblée générale et le Conseil de l’Ordre va se pencher là-dessus.

Du point de vue juridique, quelles sont les recommandations faites aujourd’hui ? 

C’est en rapport essentiellement avec la gestion purement juridique et judiciaire de la procédure qui a été engagée contre lui au niveau du Tribunal militaire. Mais également de toutes les procédures qui pourraient être juridiquement présentées comme nécessaires ou urgentes au regard des faits qui se sont déroulés depuis le 25 janvier. Il n’y a pas de faits sans conséquences juridiques. Donc, tous les faits, il faut les passer à la loupe du droit positif burkinabè. Et ce qui adviendrait relativement à des incriminations, qu’elles soient civiles, pénales ou administratives, sera pris en charge correctement d’un point de vue processuel.

L’AG maintient-t-elle l’exigence de la libération de Me Guy Hervé Kam comme précédemment mentionnée dans la déclaration du Bâtonnier ? 

Évidemment, l’assemblée n’a pas rapporté cette exigence qui a été formulée par le Barreau dans sa déclaration à la fin de la semaine dernière. Elle est maintenue.

Avez-vous été unanime à condamner la manière dont le Tribunal militaire conduit cette affaire ? 

Évidement ! La condamnation est unanime. Comme on l’a dit dans la déclaration, le Bâtonnier n’a jamais été consulté. Ni par une personne, ni une autorité du Tribunal militaire. Cela veut dire qu’il n’a jamais été consulté préalablement sur une demande émanant du Tribunal militaire. Jamais ! Pour nous, c’est la même séquestration qui continue comme on l’a dit dans la déclaration, sauf que c’est l’auteur qui a changé. C’est tout.

Peut-on s’attendre à un procès dans les prochains jours ? 

Nous serons très heureux qu’il y ait un procès dans les prochains jours.

Au sortir de l’AG

Le procureur militaire a semblé dire qu’il invitait tous ceux qui se disent juristes, qu’il les invitait au prétoire. Nous serons très heureux d’y être.

Mais je ne m’attends pas personnellement à ce qu’il y ait un procès dans les jours à venir. Parce que nous connaissons bien les procédures. Ce sont des procédures pénales qui sont assez longues.

Pourquoi l’affaire fait autant de bruit au sein des avocats. Avez-vous l’intention de vous soustraire de la justice que vous êtes vous-mêmes supposés incarner ? 

Non. Tous les jours, il y a des avocats qui sont poursuivis devant les juridictions pour ceux qui ne le savent pas. Je crois qu’un de vos confrères du journal d’investigation L’Événement, pour ne pas le citer, a fait un article où il fait le point des procédures qui existent dans les cabinets d’instruction contre les avocats.

Il y a des avocats qui sont passés devant les juridictions de jugement dans ce pays. Donc, nous ne sommes pas au-dessus de la loi.

Nous ne demandons pas une impunité pour des avocats qui pourraient être confrontés à des faits qualifiés d’infractions. Non, pas du tout. Ce n’est pas du tout cela notre combat.

Nous sommes les premiers à demander que des avocats, lorsqu’ils sont auteurs, co-auteurs ou complices de faits, que ces faits puissent être dénoncés au Barreau. Afin que le Barreau puisse en tirer aussi les conséquences sur tous les plans, aussi bien disciplinaires que sur tout autre plan. Le Barreau ne peut pas, en même temps, mener “une campagne” pour obtenir l’impunité d’un avocat.

Nous demandons que les règles soient respectées, que cela concerne des avocats ou d’autres personnes. Dans la déclaration qui a été faite par le Bâtonnier, on ne s’intéresse pas qu’au cas de Me Guy Hervé Kam. Il nous semble que beaucoup de personnes aujourd’hui sont dans la situation où Me Kam était durant les 128 jours.

Aucune présentation à une juridiction quelconque. Aucun procureur n’est au courant. Il y en a même qu’on dit avoir mis en examen alors que leurs avocats ne savent même pas où ils se trouvent. C’est un ensemble de questions qui posent sérieusement problème.

Faites-vous référence à l’“affaire Lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana”? 

Non, pas spécialement du Lieutenant-colonel Zoungrana ou à quelqu’un d’autre parce que je crois que le colonel Zoungrana a des avocats si je ne me trompe pas. Son dossier est passé plusieurs fois au niveau de la Chambre de l’instruction et la Chambre de contrôle, donc au niveau des tribunaux militaires. Je ne ferai pas essentiellement référence à lui. Mais en tant que journaliste, si vous allez au Tribunal militaire, renseignez-vous sur les dossiers qui ont été évoqués par le procureur militaire. Cherchez à voir si toutes les personnes qui ont été mises en examen là-bas pour des personnes que l’on sait au regard de leurs statuts, ont la possibilité d’avoir des avocats et s’ils en ont même puisque des avocats ont écrit notamment au procureur militaire, au juge d’instruction militaire à l’époque. Demandez-leur si les avocats ont eu la possibilité de les assister devant le juge d’instruction militaire. Ils vous répondront. Et selon ce qu’ils vont vous répondre, si vous voulez revenir vers nous, nous vous dirons aussi ce que nous avons comme informations.

Lire aussi|Burkina Faso/Affaire Me Guy Hervé Kam : Le Bâtonnier convoque une “Assemblée générale extraordinaire” lundi

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