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Burkina Faso/Affaire ministre des Finances, DG des Impôts et DG des douanes contre « Le Reporter » : le verdict attendu le 19 octobre

Arès des renvois, le procès pour diffamation engagé par le ministre des Finances, Aboubacar Nacanabo, le Directeur général des Douanes, Mathias Kadiogo, et le DG des Impôts, Daouda Kirakoya, contre le bimensuel d’investigation « Le Reporter » a été retenu pour être jugé ce 12 octobre au Tribunal de grande instance Ouaga 2.

Les plaignants étaient absents à l’audience. L’expert des procédures douanières, le contrôleur d’Etat Aimé Nana, était à la barre pour des questions d’éclairage comme l’a demandé le Procureur.

Le journal est poursuivi pour des faits de diffamation.

L’article mis en cause dans cette affaire est contenu dans la parution n°360 du 15 au 30 juin 2023, intitulé « Le ministre des Finances, les DG et les milliards FCFA d’Essakane ».

« Peut-être que le journal a d’autres intentions où il y a quelqu’un derrière. Sinon les textes fixent la transaction. Le journal cherche à salir l’image des autorités. Ils ont utilisé des termes dégradants afin de ternir leur image », déclarent d’entrée de jeu les avocats de la partie civile.

Accusations que le Directeur de publication ainsi que le Rédacteur en Chef du journal rejettent en bloc.

« Nous avons fait ce travail dans le respect de la déontologie et de l’éthique. Nous l’avons fait pour l’intérêt général. Il n’y avait aucune intention de porter atteinte à l’honneur de qui que ce soit », a déclaré Boureima Ouédraogo, Directeur de publication du journal.

Il affirme qu’une correspondance a été envoyée aux personnes citées dans le journal afin de recueillir leurs versions des faits, mais sans réponse.

« Le Directeur général des douanes nous a dit, à la veille de la publication, de ne pas publier l’article et qu’il était prêt à payer les frais d’impression du journal. Nous lui avons dit que nous lui donnerons la parole au prochain numéro », a-t-il expliqué.

« Je pars avec ce sentiment d’avoir contribué à mettre à nu ces pratiques qui semblent avoir pris le dessus sur les procédures légales », a-t-il signifié, peu avant la clôture de l’audience.

Le Rédacteur en chef du journal, Aimé Nabaloum, lui, reste convaincu qu’en matière de texte, la transaction dont a fait cas le journal n’a pas respecté les règles.

Ce que reconnaît l’expert Aimé Nana pour qui l’État n’aurait pas dû accepter de laisser le montant des intérêts de retard, évalués à plus de 11 milliards FCFA, comme mentionné dans le procès-verbal.

Il explique que « l’État a accepté la proposition de la Société Iamgold Essakane SA visant à payer uniquement les droits de douane et TVA et une pénalité de 3 milliards FCFA. Selon lui, l’intérêt de retard est prévu par les Codes des douanes de l’UEMOA et de la CEDEAO et on ne peut pas laisser tomber une telle taxe.

Même dans une procédure normale, dit-il, en l’absence de toute infraction, si la Société se présentait pour demander à se libérer de ce régime, à partir du moment où le régime comporte des contraintes, elle devrait payer l’intérêt de retard qui est une taxe qui vient s’ajouter aux droits et taxes et non une pénalité.

Aimé Nana déclare que le virement dont parle Essakane SA, non seulement a été fait en retard, mais était minime.

« La dette liquidée selon lui était de plus de 11 milliards alors que la société a fait un virement de 2 milliards 300 millions. La société va après demander à ce que l’État lui rembourse ce qu’elle n’a pas encore payé », relève l’expert.

Dans son réquisitoire, le parquet précise qu’il faudrait faire une différence entre le contentieux douanier et les faits de diffamation.

Le Parquet a demandé au Tribunal de condamner chacun des deux prévenus à payer la somme d’un million de francs CFA. Il estime que le journal n’a pas apporté les preuves de ses déclarations.

Pour la défense, ces personnes n’ont pas été citées par le journal en tant que personnes physiques mais du fait qu’elles sont à des postes de responsabilité. Elle estime que le journal a pleinement joué son rôle car ce sont des milliards de l’État burkinabè qui sont en jeu.

Les accusés déclarent qu’ils n’ont pas été autorisés à consulter le rapport de l’ASCE-LC sur le sujet.

Pour la défense, la quittance est la seule preuve du paiement. Or, la quittance date du 7 juillet 2023. Le journal avait relevé qu’en décembre 2022, l’État n’avait pas reçu d’argent de la part de la société. Ce n’est que six mois plus tard, précisément le 7 juillet 2023, qu’un versement a été effectué.

Ce que confirme Arnaud Atiana, caissier à la Direction générale des douanes.

Les avocats de la défense disent tenir ferme sur les propos du journal selon lesquels « jusqu’en décembre 2022, il n’y a pas eu de paiement ».

« Ces plaignants qui veulent montrer qu’on ne peut rien dire sur ce qu’ils font, Monsieur le président, montrez-leur que la justice s’impose à tous », ont-ils déclaré.

Pour Me Adama Kagoné, avocat de la défense, « il n’y a aucune infraction de diffamation ». Il relève que le journal a envoyé une note aux personnes citées afin qu’elles donnent leur version des faits. Mais sans réponse. Ce n’est qu’à la veille de la publication que ces dernières ont appelé le journal pour dire de ne pas publier l’article.

« Avant le 7 juillet 2023, il n’y a pas eu de paiement et c’est ce que le journal a dit.

Renvoyez les accusés pour infraction non constituée. Nous sommes convaincus qu’ils ne seront pas blâmés.

À titre de dommages et intérêts, la défense demande au tribunal de condamner les plaignants à payer 50 millions de FCFA.

« Nous demandons aussi de les condamner à payer au journal la somme de 20 millions de FCFA pour les frais exposés et non compris dans les dépens », déclarent les avocats du journal.

« J’aurais voulu que le ministre soit là et qu’il nous dise, yeux dans yeux, ce qui est faux dans ce que le journal a écrit. Les plaignants ne sont pas là sous prétexte qu’ils sont en mission hors du pays alors qu’il y’a eu Conseil des ministres hier », a relevé Me Christophe Birba.

 » En quoi le fait que le journal dise que l’État n’a pas encaissé porte atteinte à l’honneur du ministre et du DG des douanes? », s’interroge-t-il avant d’ajouter: « On nous a imposé ce procès pour nous faire la force. C’est parce que les plaignants sont forts ».

« Vous dites que le journal a utilisé des termes dégradants. Ce sont des journalistes d’investigation; ils ne sont pas là pour faire des atalakou, l’éloge des gens », affirme Me Birba pour qui le minimum de la perte subie par l’État est de 200 milliards.

« Si le journal a menti, c’est peut être en donnant des chiffres en-deçà de la réalité », a-t-il déclaré.

Pour lui, tout ce que le journal a écrit est exact.

« Si vous condamnez Le Reporter parce qu’il aurait menti sur les puissants du moment, on est mort.

Le journal mérite les félicitations de la part du Tribunal pour ce qu’il a fait. Même si c’était 1000F, il faut le dénoncer. Ceux qui ont fait perdre des milliards à l’État l’ont fait avec la complicité des impérialistes.

Quand les forts veulent faire la force aux faibles dans une République, seuls les juges peuvent dire halte ! « , conclut-il.

Après les réquisitions et les plaidoiries, le Tribunal a annoncé le 19 octobre 2023 pour le verdict.

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