L’“affaire Lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana” a connu plusieurs rebondissements. Le chef de corps du 12e régiment d’infanterie commando et commandant du Secteur ouest du Groupement des Forces armées du Nord a été arrêté le 10 janvier 2022. Il était soupçonné d’être impliqué dans une affaire de “tentative de coup d’État” contre le régime du Président d’alors, Roch Marc Christian Kaboré. Une liberté provisoire lui avait été accordée le 15 décembre 2022 par la Chambre de contrôle du Tribunal militaire. Le commandant des “Mambas verts” aura à peine eu le temps de respirer, à pleins poumons, l’air de la liberté qu’il est contraint de retourner à la case départ le 27 décembre 2022. Le 29 mai 2024, il bénéficie à nouveau d’une liberté provisoire. Mais la joie de sa famille ne sera que de courte durée. Il a en effet été arrêté dès sa sortie de résidence surveillée et conduit vers une destination inconnue de ses proches. La famille de l’Officier décide alors de recourir à la justice. Elle dépose une plainte au Tribunal militaire le 4 juin et une autre au Tribunal de grande instance Ouaga 2 le 7 juin. “Plainte contre X pour enlèvement et séquestration du Lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana”.
La famille explique les circonstances de cette dernière arrestation. Indiquant qu’il s’agit d’un “enlèvement”. Des proches du Lieutenant-colonel Zoungrana que nous avons rencontrés affirment n’avoir pas de ses nouvelles depuis sa dernière arrestation le 29 mai près du lieu où il était en résidence surveillée. Selon eux, les personnes ayant procédé à son arrestation se sont présentées comme des membres de la Direction de la Sûreté de l’État. Problème cependant : ils affirment s’y être rendus sans obtenir de nouvelles de l’Officier.
“Nous sommes allés à la Direction de la Sûreté de l’État. Ils nous ont fait comprendre que ce n’est pas eux qui l’ont enlevé”, indique une source proche du dossier. Et même concernant la récente liberté provisoire accordée au Lieutenant-colonel Zoungrana, elle émet des réserves.
“La décision de la Chambre de contrôle du tribunal militaire accordant la liberté provisoire au Lieutenant-colonel Zoungrana a été prise le 22 mai. Nous étions étonnés de voir que c’est sept jours après que les agents du tribunal militaire ont mis en application cette décision. Toute chose qui nous laissait perplexes quant à la volonté réelle du tribunal militaire de libérer le Lieutenant-colonel Zoungrana”, relate-t-elle.
Il s’en est suivi “une libération et une arrestation” le 29 mai, dans la matinée, à quelques encablures de la résidence surveillée.
La famille dénonce un acharnement
Selon des proches du Lieutenant-colonel Zoungrana, aucune juridiction n’a évoqué un nouveau dossier contre le commandant des “mambas verts”. Il s’agit, selon eux, de l’affaire de 2022. Ce qui les amène à s’interroger sur les “mobiles réelles de cette longue détention sans procès”.
“Tout ce qui arrive au Lieutenant-colonel Zoungrana est un acharnement politico-judiciaire. On ne peut pas arrêter et détenir quelqu’un pendant deux ans pour des affaires de complot ou d’atteinte à la sûreté de l’État et jusqu’à présent, on n’arrive même pas à trouver des indices de preuve”, déclare une source qui a suivi le dossier depuis le début.
Selon elle, si le Lieutenant-colonel Zoungrana est empêtré dans une affaire de complot, les deux années auraient suffi pour élucider l’affaire afin de le condamner ou le relaxer. Elle déplore donc qu’il soit détenu pendant cette période sans jugement : “On a l’impression qu’il y a une campagne de dénigrement contre sa personne. Tout ce qui arrive au Lieutenant-colonel Zoungrana a été orchestré, dès le début, par le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) afin de perpétrer sa forfaiture. Vous-vous rappelez sans doute, le Lieutenant-colonel Zoungrana a été arrêté le 10 janvier 2022 et le 24 janvier 2023, le Lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba a perpétré son coup d’État. Zoungrana est peut-être un élément qui n’accepte pas la compromission et il fallait le mettre à l’écart afin de réaliser le putsch”.
“ C’est de l’acharnement politico-judiciaire, rien de plus. À défaut, qu’ils nous prouvent qu’il est coupable et, dans ce cas là, qu’on le condamne et que tout le monde soit situé”, indique un proche de sa famille.
Et d’ajouter : “J’ai l’impression que le simple fait que le Lieutenant-colonel Zoungrana soit en vie empêche certaines personnes de respirer. Je ne comprends pas cette affaire”.
“C’est très douloureux. Nous sommes dans l’incompréhension, dans le désarroi. Nous nous posons beaucoup de questions. Près de deux ans sans comprendre pourquoi votre fils, votre époux, votre papa, votre frère ou grand frère est dans cette situation et que les autorités qui l’ont mis dans cette situation n’arrivent pas à apporter les preuves de sa culpabilité, c’est très douloureux”, confie un proche de l’officier. Dénonçant une injustice dans cette affaire.
“L’injustice ne peut pas être un socle pour bâtir une société prospère et de paix. Il faut arrêter ces pratiques si nous voulons que le Burkina retrouve la paix, la stabilité et le développement. Le Burkina, c’est pour tous les Burkinabè. On ne peut pas comprendre qu’on s’acharne sur certains Burkinabè sans raison”, déplore-t-il. Avant d’ajouter que “la famille du soldat a été délaissée et ne sait pas à quel sein se vouer. Dieu saura nous départager”, conclut-il.
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