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Ouagadougou/Réglementation des coiffures des élèves : Garçons, cheveux coupés à ras, nattes simples pour les filles !

Le gouvernement burkinabè a adopté, le 10 mars, un arrêté portant réglementation de la coiffure scolaire dans les structures éducatives. La mise en œuvre de cet arrêté conjoint des ministères chargés de l’Enseignement secondaire et de l’Éducation de base, devrait se faire à la reprise des cours du troisième trimestre. Donc ce 1er avril. Une équipe de 24heures.bf a sillonné quelques établissements de la ville de Ouagadougou. Constat.

Lycée privé Ouindinsongdé (LPO) au quartier Wayalghin de Ouagadougou. Il est 8h. Un calme plat règne quand nous entrons dans l’établissement. Direction, les bureaux de l’administration. Nous y sommes reçus comme si nous étions attendus. Le censeur, Nestor K. Konseiga, nous reçoit, sourire aux lèvres. “Vous êtes la bienvenue ! C’est comme si nous vous attendions”. Il nous conduit lui-même dans des classes pour voir de visu ce qu’il en est. Le constat est clair : les élèves, les garçons notamment, ont les cheveux coiffés à ras. Pour d’autres, c’est carrément la boule à zéro; aucun brin de cheveu sur la tête. Pour les filles, quatre tresses, ni plus, ni moins. Celles qui sont venues avec plus de nattes ont été sommées de repartir se refaire la coiffure. Nous croiserons, plus tard, quelques-unes, dehors, en train de se défaire les cheveux et de se coiffer en fonction de la nouvelle réglementation. Une bonne volonté a décidé de l’aider.

Des élèves du lycée municipal Nicolas De Preux, surprises en train de se refaire les cheveux

Certains garçons ont également été renvoyés de la classe. “Pourtant, bien avant les congés du deuxième trimestre, dès que la mesure est tombée, nous avons fait le tour des classes pour les informer et leur expliquer ce qu’il en était”, nous dit le censeur. Mais certains n’y ont vu qu’une plaisanterie. Ces derniers ont été mis devant les faits. Sans coiffure conforme, pas d’accès à la classe ! Et le vigile est lui aussi prévenu. “Tu ne laisses personne rentrer”, lui affirme le censeur. Et il poursuit : « Si on veut te faire la force, viens nous aviser”. “D’accord”, lui répond ce dernier, bien calé à son poste et attentif à tout mouvement.

Pour le proviseur du lycée Nicolas De Preux, Arzouma Mahamadou Diéni, l’application de cet arrêté ne devrait pas souffrir d’ambiguïté

Après le LPO, cap sur le Collège d’enseignement général (CEG) municipal de Widtoghin. Le directeur du CEG, Fidèle Bagnoa, très content de la mesure, nous accueille dans son bureau pour un entretien avant de nous conduire dans des salles de classe. “Nous avons accueilli la mesure avec beaucoup de satisfaction”, confie-t-il. Il ajoute que cette disposition vient mettre un terme aux différentes coiffures constatées tant au niveau des garçons que des filles. M. Bagnoa a par ailleurs relevé qu’avant l’arrêté, le règlement intérieur de l’établissement donnait une idée de la manière dont devaient se présenter les coiffures des élèves. “Mais nous avons été confrontés à des difficultés dans la mise en œuvre de ce règlement intérieur”, dit-il. Par exemple l’appréciation concernant les types de coiffures. L’arrêté est, selon lui, sans ambiguïté : une coiffure à ras, sans teinture.

Dans cette classe de 5e 1 au LPO, de nombreux élèves se sont conformés à la nouvelle mesure

Les filles, elles, ont la possibilité de se coiffer à ras, de se nater ou se tresser sans perles. Selon M. Bagnoa, cette mesure est d’autant plus salutaire qu’elle prend en compte l’aspect sanitaire. Surtout dans les établissements publics où les effectifs sont assez importants. Au CEG de Widtoghin également, l’arrêté a fait objet de communication, d’explications et de commentaires avant que les élèves ne partent en congés. Mais les habitudes ayant la peau dure, certains ont refusé de se conformer. Ils ont donc purement et simplement été renvoyés chez eux, histoire de se refaire les coiffures. Ceux qui l’ont fait sont revenus et ont eu accès à leurs salles de classe. “Si, au bout d’un certain temps, ceux qui refusent de se conformer persistent dans leur position, nous prendrons d’autres dispositions à leur encontre”, indique le directeur.

Lycée municipal Nicolas De Preux. L’heure est à la récréation. Presque tous les élèves sont hors des classes. Les uns ont pris d’assaut les lieux de vente de sandwichs et autres friandises pour se refaire un peu d’énergie afin de pouvoir affronter le reste de la matinée. D’autres par contre animent des cercles de causeries. D’autres encore s’activent pour se refaire une coiffure. Peu importe que la coiffeuse soit réussie ou pas, pourvu que l’on puisse accéder à sa classe.

Un exemple de coiffure prôné par l’arrêté

Nous en profitons pour nous entretenir avec le proviseur. Chez Arzouma Mahamadou Diéni, administrateur des lycées et collèges et proviseur de l’établissement, même son de cloche que ses prédécesseurs. La rigueur est de mise également dans cet établissement. Nous en ferons le constat nous-même. “Cela n’a pas été facile ce matin”, avoue-t-il. Certains n’ayant pas pris la mesure au sérieux. “Nous avons procédé à un filtrage au niveau des différentes portes d’entrée”, mentionne-t-il. Cet arrêté leur permet, dit-il, d’avoir un instrument objectif pour pouvoir gérer la disparité des coiffures et aussi la discipline. Auparavant, il y avait, selon lui, un arrêté qui précisait les types de coiffures mais avec des termes relativement ambigus. Ce qui donnait lieu à différentes interprétations et cela pouvait conduire à des mésententes. Le nouvel arrêté, lui, a l’avantage d’être précis et son application ne doit pas souffrir d’ambiguïté, estime-t-il. A l’issue de notre entretien avec le proviseur, nous entrons dans des salles de classe. C’est le conseiller Marcel Zongo qui nous conduit. En 4e C, deux élèves sont expulsés par ce dernier. Les faits se déroulent devant nous. “Vous avez sûrement échappé au contrôle ce matin mais ça ne se fera pas éternellement”, menace-t-il.

Bataille pour l’application de la mesure

Pour l’instant, les établissements que nous avons visités disent toujours être dans une démarche de sensibilisation. Certains parents viennent plaider pour leurs enfants. “Au Ghana et en Côte d’Ivoire, ce genre de coiffure a été imposé aux élèves sans problème”, souligne le directeur du CEG municipal de Widtoghin. “Pourquoi cela devrait-il poser problème au Burkina Faso surtout que c’est à l’avantage des parents et des élèves eux-mêmes ?”, interroge-t-il. Il rappelle en outre que cette mesure sert à mettre tous les élèves dans les mêmes conditions de travail et à réduire les inégalités. L’un des parents d’élèves que nous avons rencontré à Widtoghin, Joseph Ouédraogo, salue lui aussi la mesure. Il affirme que ses enfants, filles comme garçons, ont toujours les cheveux coiffés à ras quand il s’agit d’aller à l’école. Mais cette année, seule la plus grande, en classe de 3e, a des cheveux. Cependant, elle fait toujours des nattes simples, ajoute-t-il. “C’est moins cher et ça nous arrange en tant que parents”.

Même au coin du kiosque, on se refait les cheveux

Certains élèves apprécient la mesure à sa juste valeur. C’est le cas de Gaoussou Lengané, élève en classe de Terminale D et de Jorielle Bambara, élève en classe de 4ème C au lycée municipal Nicolas De Preux. Tous deux estiment que des coiffures simples leur permettront de mieux étudier, de bien suivre les cours. “Cela va éviter de porter des mèches extravagantes qui empêchent souvent les voisins de derrière de voir le tableau et de bien suivre”, renchérit la jeune Jorielle. Gaoussou, lui, faisait les coiffures de type deux tons avant, mais il n’en est est plus question. “Personne n’est assez grand pour se soustraire à la règle”, dit-il. Aussi, certaines enquêtes pourraient-elles, à l’avenir, permettre de savoir quel type d’élève nous étions à l’école. Et cela pourrait nous porter préjudice”. Ces deux élèves invitent donc leurs camarades à se conformer à la nouvelle disposition car il y va de l’intérêt de tous.

Les responsables d’établissements ont tous saisi l’occasion pour lancer un appel aux parents. Ils sollicitent leur accompagnement dans la mise en œuvre de cet arrêté. Ils estiment tous que les élèves sont, pour l’instant, des apprenants. Quand ils dépasseront ce stade, ils auront le loisir de choisir les types de coiffures qu’ils voudront. Mais, en attendant, ils devront se soumettre aux règles.

Encadré : Ce que dit l’arrêté conjoint

Un arrêté conjoint réglemente la coiffure des apprenants dans les structures éducatives. Il stipule, en son article 3, qu’il est institué une coiffure uniforme pour tous les apprenants, filles et garçons. La coiffure uniforme des apprenants est faite d’une coupe de cheveux à ras, simple et sans embellissement ni fantaisie quelconque.

Toutefois, les tresses et les nattes de cheveux naturels sans mèches et assimilées sont autorisées pour les filles. En son article 2, il désigne les structures éducatives concernées. Notamment les structures publiques et privées d’éducation préscolaire, les écoles publiques et privées d’enseignement primaire, les structures publiques et privées d’éducation non formelle des jeunes et adolescents. Mais aussi les établissements publics et privés d’enseignement post-primaire et secondaire, les centres publics et privés de formation professionnelle initiale. L’article 4 rappelle que le non-respect des dispositions de l’article 3 de l’arrêté conjoint entraîne le renvoi de l’apprenant.

Tout apprenant dont la coiffure n’est pas conforme à celles prévues à l’article 3 du présent arrêté conjoint ne peut accéder à la cour de la structure éducative.

C.S

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