
Les changements climatiques ont un impact sur Ouagadougou. La capitale burkinabè a enregistré ces dernières années, des vagues de chaleur. Les spécialistes du domaine conseillent alors la plantation d’arbres afin d’atténuer les effets du changement climatique. Plusieurs organisations publiques ou privées s’évertuent à créer un cadre paisible de vie, où il fait moins chaud à travers la plantation d’arbres. Mais planter un arbre est un fait et l’entretenir en est un autre. Ainsi, on assiste parfois à l’abandon de plantes qui finissent par mourir. Une équipe de 24heures.bf a fait le tour de quelques quartiers de Ouagadougou, à la rencontre des acteurs du reboisement afin de comprendre les méthodes adoptées en cette période de canicule pour protéger les plantes. Reportage.
Vendredi 18 avril 2025. Il est 11h 20. Le soleil brûle. La météo affiche une température minimale de 30° C contre 42°C comme maximale dans la capitale burkinabè. Mais la réalité semble au-dessus des données annoncées par les spécialistes de la météo. En effet, aujourd’hui, le soleil semble plus proche du sol à Tanghin que d’habitude. Nous sommes dans ce quartier situé dans le nord-est de Ouagadougou. Précisément près des rails. Et sous ce soleil en colère, une femme d’environ 60 ans se bat pour maintenir en vie de jeunes plantes. “J’arrose ces jeunes plantes deux fois par jour. Notamment le matin et au coucher du soleil”, explique Mariam Sanfo. Ici, chaque plante représente une “femme influente” du Burkina. C’est du reste ce qu’affirme Bassératou Kindo, promotrice du média en ligne Moussonews, initiatrice de ce projet de reboisement.

L’idée de départ dans la réalisation de ce bosquet est, dit-elle, de rendre hommage aux femmes à travers des arbres. Ainsi, chaque arbre porte le nom d’une personnalité féminine du pays. Parmi les personnalités féminines représentées ici par des plantes, Mariam Lamizana, femme politique et militante de la société civile burkinabè, fille de l’ancien Président Sangoulé Lamizana. Également Mariam Vanessa Touré (journaliste) et Mariam Sankara dit Mam Sank (restauratrice).

Mais l’idée de valorisation des femmes à travers cette plantation ne s’arrête pas là. Des femmes pratiquent de la maraîcher-culture dans cet espace, et doivent en retour s’occuper des plantes. “Ce sont des femmes (humains) qui s’occupent des femmes (plantes). C’est une manière de se solidariser”, indique Bassératou Kindo.
Quarante-quatre plants ont été mis en terre en août 2023. Il s’agit notamment de baobabs, de citronniers, de moringa, de nimiers. Mais aussi de manguiers, d’orangers et de citronniers. Il faut cependant faire face aux hostilités de la nature. Ici, la déclaration de Charles Darwine, à savoir “la lutte pour la survie sélectionne les espèces”, a tout son sens. Les arbres fruitiers, comme les manguiers, les orangers et les citronniers n’ont pas survécu face à la dure sélection que leur impose le climat ouagalais. Ils sont morts, ou survivent à peine.
“Sur un total de 44 au départ, seulement 14 ou 16 plantes sont vivantes aujourd’hui”, déplore Bassératou Kindo. Un problème d’eau s’est par la suite posé, dit-elle. Ainsi, il fallait aller loin du site pour trouver de l’eau. L’initiatrice de ce projet se voit alors obligée de débourser la somme de 10 000 francs CFA par mois pour l’arrosage des plantes. Mais l’intensité du soleil a emporté centaines d’entre elles.
Une pompe est arrivée !
Face aux vagues de chaleur, il faut trouver une solution. Mais que faire ? De petits puits sont creusés par-ci et par là ! Mais après plus de 10 mètres sous le sol, l’eau est introuvable. Il faut alors scruter d’autres voies. Afin de sauver ces plantes qui portent les noms d’être humains.
Les autorités communales sont mises à contribution. Ce sont elles, en effet, qui avaient permis à ce média spécialisé dans le traitement de l’information sur la femme, d’avoir cet espace mesurant un hectare située sur “la ceinture verte”. Et là, Bingo ! Un forage a été installé en décembre 2024. Il sera opérationnel deux mois plus tard. L’implantation de ce point d’eau sonne comme une bouffée d’oxygène pour la survie des plantes. La vie reprend peu à peu. Il permet également aux femmes travaillant sur le site, d’arroser leur jardin. Mais les avantages que procure cette pompe ne se limitent pas là. Quelques citoyens dans le voisinage en profitent pour faire de la culture hors-sol.

Mais dame Kindo estime que ce forage n’est pas suffisamment performant. Elle est alors à la recherche d’un 2è forage. Cela permettra, dit-elle, d’entretenir les arbres. Mais aussi d’occuper des femmes vivant dans les environs. En leur permettant de mener du jardinage en vue de leur autonomisation. La promotrice entend alors frapper aux portes de bonnes volontés afin d’avoir cette deuxième pompe à eau.
La prise en charge des plantes surtout dans le contexte de Ouagadougou nécessite assez d’investissement. Moussonews affirme par exemple avoir mobilisé, dans le cadre de ce projet, environ 4 millions de francs CFA. La plus grosse dépense a été le grillage servant de clôture. Il a coûté 2 550 000 francs CFA, selon Bassératou Kindo. À cela s’ajoute la prise en charge quotidienne des plantes. Mais l’initiatrice dit être déterminée à aller jusqu’au bout de son projet. Objectif : contribuer à “atténuer les effets du réchauffement climatique”.
Plus de 35 hectares à la charge de la Fédération nationale des pépiniéristes et jardiniers du Burkina
Nous voici dans une vaste étendue d’arbres. Nous sommes toujours au quartier Tanghin, sur la “ceinture verte”. Là, plusieurs structures publiques et privées sont en ordre de bataille contre le réchauffement climatique, à travers la plantation d’arbres sur un espace d’environ 35 hectares. Parmi elles, la mairie de Ouagadougou, le ministère des Finances du Burkina. Mais aussi des structures bancaires, des organisations de la société civile et des Organisations non gouvernementales (ONG).
Le premier reboisement effectué sur ce site remonte à 2018. Aujourd’hui, c’est une véritable forêt. Non loin de là, des femmes arrosent des plantes. Le président de la Fédération nationale des pépiniéristes et jardiniers du Burkina, Abdoul Wahab Ilboudo, nous y conduit. Sa structure s’occupe de la prise en charge de tout l’espace aménagé. Et pour ce faire, une partie de la prise en charge dont l’arrosage a été confiée à des femmes de la Fédération (220 m2 pour chacune). Le deal : elles s’occupent des plantes et, en retour, profitent de l’espace aménagé pour faire du jardinage. Un château d’eau est implanté sur le site. Pour faciliter l’arrosage qui est fait deux à trois fois par jour, explique l’une d’entre elles que nous avons trouvée sur les lieux.

La mairie à elle seule a aménagé près de trois hectares. Dans cette plantation faite en 2022, on note, entre autres, des manguiers, des arbres de néré, des baobabs. Mais également des raisins, des goyaviers, des papayers, des tamariniers, des citronniers. Les manguiers par exemple portent aujourd’hui des fruits.
Les défis ? Il n’en manque pas. Il faut faire face à la vague de chaleur, surtout en ce mois d’avril. Et même les grands arbres n’y échappent pas. Nous trouvons dans notre progression un manguier qui a séché. Abdoul Wahab Ilboudo est visiblement mécontent : “Qu’est-ce qui est arrivé à ce manguier ?”, demande-t-il à une dame qui s’occupe de son jardin non loin de là. Elle ne parvient pas à fournir de réponse adéquate. Indiquant avoir fait ce qu’il fallait pour prendre soin de l’arbre.

À quelques centaines de mètres, le bosquet du ministère des Finances. Superficie : un hectare. 55 personnes travaillent là. Le premier reboisement a été effectué en 2019 sur cet espace. On y trouve des manguiers, des kaicedra, des baobabs, des bananiers, des citronniers, du moringa.
Communion autour d’un bosquet au quartier Ouaga 2000 Extension Sud
Nous arrivons dans l’un des quartiers résidentiels de la capitale : Ouaga 2000, Extension Sud. Il s’agit d’un quartier en pleine construction. Issaka Kaboré, cadre de banque, s’y est installé depuis 2020. Il est l’un des premiers résidents. “Lorsque vous êtes les premiers à vous installer dans un quartier, il faut poser de bonnes bases, créer un cadre de vie sain”, déclare-t-il. Dans ce sens, lui et certains de ses voisins se sont mobilisés pour ériger un bosquet, sur un espace vert réservé par l’autorité communale. L’initiative est portée par l’Association des musulmans résidents à Ouaga 2000 Extension Sud. En collaboration avec l’association générale du quartier “Voisins solidaires Ouaga 2000 Extension Sud Lumière”. Cette dernière association regroupe les habitants du quartier sans distinction. Le projet est en marche. Il faut d’abord ériger une clôture autour du terrain. Au risque de voir des animaux en divagation brouter la plantation. “Pour nous, il faut planter utile”, explique Issaka Kaboré. Et pour avoir cette clôture, ils ont bénéficié de l’assistance de la Présidence du Faso qui a fourni le grillage.

M. Kaboré et l’association musulmane dont il est le vice-président, ont alors procédé à une quête lors d’un rassemblement religieux afin de lancer la plantation. D’autres habitants du quartier ne relevant pas de la confession musulmane se joignent également à eux pour la réalisation du projet.
Ils ont ainsi réussi à mettre en terre, fin octobre dernier, 45 plantes sur cet espace d’environ 1200 m2. Entre autres, des flamboyants, des manguiers, des acacias, des dattiers. Mais aussi des goyaviers, des cocotiers, des tamariniers et des orangers. La sélection des espèces est faite sur la base de leur capacité d’adaptation face aux hostilités du climat à Ouagadougou. Un espace est réservé pour les espèces les mieux adaptées, afin de procéder à une nouvelle séance de plantation.
L’objectif, selon les initiateurs, est d’en faire un jardin. Et l’emplacement des plantes prend en compte ce projet. Une distance de 5 mètres sépare les plantes les unes des autres. Également dans le projet, l’implantation de lampadaires afin d’électrifier l’espace. Avec, en ligne de mire, la tenue de cérémonie, y compris la nuit.
“Cet espace va constituer notre arbre à palabre comme au village”, ajoute M. Kaboré. Des banquettes seront également installées. Les résidents de ce quartier pourront aussi, en plus de profiter de l’ombre, y faire du sport aux alentours.
Mais la prise en charge de ces plantes pour l’atteinte des objectifs nécessite des moyens. Pour faire face au problème d’eau par exemple, l’association s’est attachée les services d’un chauffeur de taxi-moto. Ce dernier est chargé d’arroser les plantes deux fois par semaine, moyennant 20 000 francs CFA par mois. Cette charge est supportée par l’association musulmane. Elle prévoit la réalisation d’une pompe à eau sur ce site afin de faciliter la prise en charge des plantes.

Il faut également faire face aux animaux en divagation. Les multiples communiqués de l’autorité communale, le dernier en date du 17 avril, n’ont pas permis de dissuader certains éleveurs. “En dépit des efforts consentis par les services des aménagements paysagers et la population pour rendre agréable leur cadre de vie par la plantation d’arbres et le reverdissement de certains espaces dans la ville de Ouagadougou, des animaux en divagation détruisent le couvert végétal, les arbres plantés le long des artères, devant les domiciles et autres structures”, déplore le président de la Délégation spéciale de Ouagadougou, Maurice Konaté. Et c’est une réalité dans ce quartier. En effet, alors que M. Kaboré nous conduit dans son jardin en nous présentant le projet qui le soutient, nous rencontrons trois chèvres. Elles s’avancent visiblement vers le jardin. Mais elles ont dû changer de direction. “Comme les plantes sont petites, cela nécessite beaucoup de surveillance du fait de la divagation des animaux, notamment les chèvres. Bien que le grillage à une hauteur de 1,5 mètre du sol, ça vous étonne peut-être, mais souvent, on voit des chèvres à l’intérieur”, explique Issaka Kaboré.

À partir de l’exemple de ce bosquet, l’association “Voisins solidaires Ouaga 2000 Extension Sud Lumière” veut faire un autre jardin non loin de là. Le terrain est clôturé. Mais la plantation n’est pas encore effective.
Les initiatives entrant dans le cadre du reboisement à Ouagadougou sont nombreuses. Les slogans à ce sujet le sont également. Parmi eux, “un leader, un arbre”, “une femme, un arbre”, ou encore “un jeune, un arbre”. Ce dernier projet (un jeune, un arbre), initié en 2020, est porté par le groupe Boss Life Communication (BSL) de l’artiste Hugo Boss, de son vrai nom Hugues Gouba. Nos démarches pour visiter certaines des plantations effectuées ces dernières années ont été vaines. Pas la peine de le relancer. Il ne répondra pas.
Malgré le nombre élevé de projets de reboisement, les résultats semblent insuffisants, pour le moment, pour atténuer les effets du réchauffement climatique. Peut-être faut-il attendre encore des années pour ressentir le changement ?