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TGI de Bobo-Dioulasso : 24 mois de prison et une amende de 11 139 000 FCFA requis contre un agent commercial

Il est poursuivi pour deux infractions présumées : escroquerie et blanchiment de capitaux. Ce 26 mai, il est bien présent dans la salle d’audience du Pôle économique et financier (ECOFI) du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso. Montant en cause : 3 713 000 FCFA. Le président-directeur général d’une entreprise locale, Rasmané Sanfo, en veut à cet agent commercial et gérant de société, Nassougou Kombelempagré, d’avoir trempé dans des affaires louches, lui créant ainsi des préjudices. Compte-rendu d’audience.

Mars 2025. Rasmané Sanfo, directeur de l’entreprise Sya Holding, porte plainte contre Nassougou Kombelempagré. Mais ce 26 mai, Sanfo n’est pas présent à l’audience. Le contenu de sa plainte donne cependant une idée de l’affaire. Il affirme avoir été “floué” par Nassougou Kombelempagré, commercial et gérant de la société ECONAF, dans le cadre de l’exécution de trois marchés publics dans les communes de Ndorola (Kénédougou), Kalsaka (Yatenga) et Banfora (Comoé). Le prévenu lui aurait fait croire que son entreprise, Sya Holding, était attributaire de ces marchés. Il lui a alors proposé de l’accompagner dans l’exécution des travaux. Pour cela, il lui aurait demandé de l’argent. Montant total encaissé par Nassougou Kombelempagré : 3 713 000 FCFA.

Mais ce dernier n’est pas de cet avis. « Je ne reconnais pas les faits », lance-t-il aux juges.

Et il s’en explique : le plaignant, Rasmané Sanfo, serait venu le voir pour la création de son entreprise. Il affirme avoir déjà rendu ce type de service à d’autres chefs d’entreprise. Après cette étape, Sanfo, novice dans le domaine, se serait confié à lui. « Je lui envoyais ainsi les communiqués sur les appels à projets. Je l’aidais aussi à constituer les dossiers et à postuler », explique le prévenu au tribunal.

En 2024, la mairie de Kalsaka, commune située dans la province du Yatenga, aurait lancé un appel d’offres. Nassougou Kombelempagré, informé de l’appel, aurait invité Rasmané Sanfo à postuler. Il aurait également soumis une candidature au nom de l’entreprise qu’il dirige.

Pour être sélectionné, certains critères devaient être remplis. Le postulant devait, entre autres, être inscrit dans la base de données de la commune. Or, l’entreprise de Rasmané Sanfo ne remplissait pas ces conditions.

Nassougou Kombelempagré aurait tout de même fait croire à son collègue que son entreprise avait de fortes chances d’être retenue. Il lui aurait alors réclamé 1 100 000 FCFA pour l’achat de matériel nécessaire à l’exécution du marché, et 200 000 FCFA pour les frais de transport.

Au final, l’entreprise de Rasmané Sanfo, Sya Holding, n’a pas été retenue. À sa grande surprise, le marché a été attribué à ECONAF, l’entreprise de Nassougou Kombelempagré.

Le tribunal lui pose alors une série de questions : « Pourquoi avez-vous demandé à Rasmané Sanfo d’acheter le matériel alors que les résultats de l’appel d’offres n’étaient pas encore disponibles ? Selon vous, une entreprise non enregistrée dans la base de données de la mairie pouvait-elle bénéficier d’un tel appel d’offres ? N’avez-vous pas profité de son ignorance pour le pousser à financer un projet dont vous saviez que vous seriez le seul bénéficiaire ? »

À ces questions, Nassougou Kombelempagré répond : « J’ai discuté avec lui. Et nous avons convenu de nous associer pour travailler ». « Mon entreprise devait exécuter le marché et nous devions partager les bénéfices ». Mais à l’issue des travaux, il n’a versé aucun centime à Rasmané Sanfo, selon le parquet.

Le deuxième projet devait être exécuté à N’Dorola, commune rurale de la province du Kénédougou. Là aussi, même scénario. Et ce n’est pas tout. Le même schéma s’est reproduit à Banfora. Sauf que, dans ces deux derniers cas, Nassougou Kombelempagré affirme avoir résilié les contrats. « Je n’ai pas exécuté les marchés parce que les conditions ne m’arrangeaient pas », déclare-t-il. Mais il aurait réclamé, là aussi, de l’argent à Rasmané Sanfo

Au total, 3 713 000 FCFA décaissés par Rasmané Sanfo au profit de Nassougou Kombelempagré pour ces trois projets. Mais il n’a obtenu aucun marché.

Le procureur lui demande ce qu’il a fait de cette somme. « Mon entreprise traversait des difficultés. J’ai donc utilisé cet argent pour exécuter d’autres marchés privés », confie-t-il. Tout en précisant que Rasmané Sanfo n’en avait pas été informé.

Le ministère public estime que les faits d’escroquerie sont établis. « Il a exécuté le marché obtenu à Kalsaka avec l’argent de Rasmané Sanfo, sans jamais lui rembourser la somme. » Pour les faits de blanchiment de capitaux, le parquet considère également qu’ils sont caractérisés : « Il a affirmé avoir utilisé la somme issue de l’escroquerie pour exécuter d’autres marchés privés. »

Le ministère public a donc demandé qu’il soit déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés. Il a requis contre lui une peine de 24 mois d’emprisonnement dont 12 ferme et une amende de 11 139 000 FCFA. Soit le triple de la somme détournée. Le parquet a également demandé qu’un mandat de dépôt soit décerné contre lui.

Le conseil du prévenu conteste les réquisitions du parquet. « Mon client n’est que gérant dans l’entreprise pour laquelle il travaillait », a-t-il précisé. Selon Maître Adama Ramdé, « pour le retenir dans les liens de la prévention, il faut qu’il ait agi en dehors de l’entreprise et pour son compte personnel ». Il demande donc sa mise en liberté. « C’est une affaire de commerçants qui ont mal ficelé leur accord et qui a mal tourné », conclut-il.

Le prévenu, lui, demande la clémence du tribunal. Il affirme avoir tiré de nombreuses leçons de cette affaire : « J’ai passé près d’un mois en détention. Je vous assure que j’ai passé plusieurs nuits blanches à la maison d’arrêt, en me demandant ce que deviendraient mes employés ».

Le dossier a été mis en délibéré pour le 30 mai prochain.

                                                                          Salomon TAPSOBA, correspondant à Bobo-Dioulasso

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