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Dr Patrice Kouraogo, sociologue : “Si vous vous mariez sur Facebook sans l’accord des parents, vous allez divorcer sur WhatsApp”

Le Burkina Faso célèbre ce 15 mai la Journée des coutumes et traditions. Des festivités ont ainsi été organisées dans le “Royaume mossi de Ouagadougou”. Dont une conférence publique ayant pour thème “L’Éducation dans le Mogho, un terreau fertile de promotion du patriotisme, du civisme, des valeurs coutumières et traditionnelles”. 

La conférence, tenue sur le terrain du palais “Tanghin” du Mogho Naba Baongho, a été animée par des professeurs, enseignants-chercheurs et autorités coutumières. Parmi eux, Dr Patrice Kouraogo, sociologue et Maître de recherches au Centre national de recherche scientifique et technologique (CNRST). Il a décortiqué les savoirs-faire endogènes éducatifs et culturels des Mossé.

Le 15-Mai célébré au palais royal du Mogho Naba Baongho

Il existe, selon lui, huit catégories de savoir-faire éducatifs et culturels. Par exemple, “le savoir-faire en lien avec la honte”. Dans la société traditionnelle moaga, toute personne doit savoir craindre la honte, affirme le conférencier. L’enfant y est éduqué selon certaines valeurs “depuis le ventre de sa mère jusqu’à la tombe”. Il doit craindre la honte. S’il pose des actes honteux, il salit non seulement son nom, celui de sa famille et de ses parents. “Le Moaga doit tout faire pour éviter la honte en tout lieu et en toutes circonstances”, insiste Dr Kouraogo.

Autre savoir : parler la langue mooré. Les chansons, devises, noms de famille et prénoms ont tout leur sens dans la société moaga. Le conférencier fait cependant remarquer la tendance à la disparition de certains prénoms qui, autrefois, étaient portés avec fierté. Par exemple Tiga, Tenga, Noaga, Kibsa, etc.

Il rappelle également comment se passait l’information dans la société moaga. “Lorsqu’il y avait un problème, l’on convoquait les gens à l’aide d’un tambour appelé Kunga. Quand chacun entendait le son de cet instrument, il connaissait la suite : un problème est survenu et il faut aller en guerre avec obligation de réussir”, explique Dr Kouraogo.

Autre savoir et non des moindres : savoir se protéger. “Aller consulter, chercher des médicaments pour sa famille sont des éléments essentiels dans la vie du Moaga”, affirme le conférencier.

Il mentionne par ailleurs la rigueur dans l’éducation moaga. “Le Mossi est rigoureux dans l’éducation de ses enfants. Cette éducation s’étend sur toute la vie de l’être. Le moaga doit savoir aider les vieilles personnes et bien se comporter dans la famille, le quartier, le village”. Et ce n’est pas tout. “Il doit savoir faire preuve de respect. Le jeune, la femme, l’adulte et même les vieilles personnes continuent de bénéficier d’éducation dans la société moaga car être solidaire par exemple, ne s’improvise pas. Il faut avoir été éduqué dans ce sens” souligne Dr Kouraogo. Et il ajoute que “l’éducation moaga est très rigoureuse et n’a rien à voir avec la féodalité comme pourraient penser certaines personnes”.

Le mariage dans la société traditionnelle moaga a également été évoqué par le sociologue. Cela ne se fait pas au hasard, dit-il. C’est le “Buudu” qui accompagne les mariés suivant certaines étapes. Dr Kouraogo explique qu’après le mariage, la femme reste chez le chef de famille pendant 21 jours avant de rejoindre la case de son mari. Ce temps permet à la famille de faire certaines vérifications. Voir par exemple si elle n’est pas déjà enceinte. Cela est une manière aussi de montrer au mari que la femme n’est pas sa seule propriété mais qu’elle appartient à la famille. Il ne peut donc pas divorcer d’elle comme et quand bon lui semble.

“J’ai l’habitude de caricaturer mes propos avec mes étudiants à travers un exemple : si vous vous mariez sur Facebook sans l’accord des parents, vous allez divorcer sur WhatsApp”, affirme-t-il.

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D’autres activités au programme 

La cérémonie spéciale de sortie de Sa Majesté le Naaba Baongho a eu lieu ce matin. Il est prévu demain, 16 mai, la projection du film “Katanga, la danse des scorpions”, de Dany Kouyaté, Etalon d’or de Yennenga au FESPACO 2025. La séance se déroulera à l’espace culturel Reemdoogo en hommage aux chefs traditionnels.

Autres activités au programme : la deuxième Nuit des Traditions, du patrimoine culturel et de la modernité de Ouagadougou (NUTRAMO). C’est du 15 au 18 mai toujours au Reemdoogo. Il est prévu, dans ce cadre, une rue marchande, un village des saveurs traditionnelles, des animations sur la parenté à plaisanterie, des prestations de troupes traditionnelles (Yarma, Kigba, Dodo, contes, instruments coutumiers utilisés pour la transmission des messages, etc.).

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La symbolique du 15 mai

La Journée des Coutumes et Traditions a été instituée par décret le 6 mai 2024. Elle met en lumière des pratiques ancestrales et valorise les fondements spirituels traditionnels. Elle vise à renforcer la place des coutumes dans la dynamique nationale de cohésion sociale, de paix et de développement durable. Elle confère une légitimité institutionnelle à une composante essentielle de l’identité burkinabè.

Le 15-Mai est une invite à se reconnecter à ses racines, à redécouvrir les savoirs endogènes, les rites, les langues et les systèmes de pensée. Afin de bâtir un avenir fondé sur la dignité, le respect mutuel et la souveraineté culturelle. Il marque un tournant historique dans la reconnaissance officielle du patrimoine culturel et spirituel endogène.

Le 15 mai est fériée sur toute l’étendue du territoire national.

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